L’Evangélisation, cette partie de la théologie pratique, a toujours été objet d’études de toutes sortes. A bien des égards, elle a été abordée par de multiples écrivains, des missionnaires et autres. Ils sont tous conscients que l’Eglise de Jésus-Christ a reçu un Grand Mandat. Certains auteurs, comme T.L. Osborne, James Kennedy dans leurs ouvrages et autres travaux accomplis, peuvent même arriver à provoquer une crise ou une prise de conscience chez les croyants pour se mettre à l’œuvre et à aller… Mais ils ne s’entendent pas tous sur la nature du mandat en question. Les avis se divergent, les uns plus convaincants et rigoureux que les autres; ce qui m’exige à scruter la littérature de ce champ d’étude passionnant.
1.1. Définitions opérationnelles et quelques conceptions du Grand Mandat
Je tiens d’abord à analyser étymologiquement le concept Évangélisation, certaines expressions qui s’y rattachent et ensuite présenter et confronter certaines conceptions du Grand Mandat, c’est-à-dire certaines approches de certains spécialistes pour en tirer la substantifique moelle.
D’entrée de jeu, certains théologiens parlent de trois Grands Mandats que Dieu a confiés à l’homme. Le Grand Mandat Culturel consistant à travailler, assujettir la terre; le Grand Commandement, résumé dans l’amour pour Dieu et ses prochains et la Grande Mission, pour désigner l’Évangélisation.[1] Mais, le concept Grand Mandat s’associe généralement à l’Evangélisation. Dans ce cas, il s’agit du Grand Mandat Missionnaire.
1.1.1. Nature du Grand Mandat
Dans le livre des Actes, Luc nous donne quelques mots-clés décrivant la communication de l’Evangile aux non-chrétiens. J’essaie de circonscrire le travail à partir d’un excellent travail qu’a effectué Gene Getz[2] concernant la communication de l’Evangile dans le livre des Actes des apôtres et dans les épîtres. Il fait une analyse très approfondie d’une série d’expressions utilisées par ceux qui présentaient Christ au premier siècle. La profondeur et l’originalité de son travail résident dans un effort de montrer le lien intime qu’il y a entre « Evangélisation » et « Edification ». Il essaie de montrer qu’évangéliser ne signifie pas dire n’importe quoi, mais faut-il qu’il y ait une pédagogie dans la transmission du message. Je présente brièvement certaines de ces expressions-clés.
Les disciples évangélisaient. Le verbe grec est parfois traduit « annoncer l’Evangile », ou « annoncer la bonne nouvelle ». Le terme « evangelidzo » dans un sens plus étendu met l’accent sur à la fois le message qui est communiqué et la méthode de communication utilisée.[3]
Les disciples enseignaient. Le verbe grec ici c’est « didasko » qui signifie « enseigner ». Il est employé non seulement pour décrire le travail d’édification, mais aussi l’Evangélisation.[4]
Les disciples témoignaient solennellement. Le verbe «témoigner» est habituellement la traduction du terme grec «marturo», qui signifie «rendre témoignage», «être le témoin de». Dans le livre des Actes, on trouve certaines formes du verbe «diamarturomai» qui décrivent l’Evangélisation. Ce mot signifie «affirmer et attester avec force», et possède une très forte connotation émotionnelle et intellectuelle.[5]
Les disciples discutaient. «Dilegomai» qui signifie «raisonner», «s’entretenir avec» ou «discuter», est employé uniquement en rapport avec la communication de l’apôtre Paul aux non-chrétiens. Il pouvait, suivant le contexte, leur enseigner les Ecritures en profondeur tout en demeurant sur leurs longueurs d’onde mentale et émotionnelle.[6]
Donc, l’évangélisation comme processus doit s’adresser aux émotions comme à l’intelligence.
Cependant, dans les épîtres un accent important est mis sur un mode de vie chrétienne authentique tant individuellement que collectivement dont les croyants doivent faire montre comme servant d’appui à la communication verbale de l’Evangile. Mais en général nous voyons que le partage de la Bonne Nouvelle ou l’Evangélisation même demande une transmission correcte et exacte de la parole, qu’il s’agisse d’un apôtre par exemple ou d’un simple croyant dans la mesure où celui-ci est instruit, maîtrise un peu l’Evangile et ses implications, sans ignorer l’œuvre puissamment transformatrice de l’Esprit. Tout chrétien peut témoigner. Ce travail d’Évangélisation est perçu différemment.
Tenant compte du volume d’auteurs réfléchissant sur le sujet, j’ai fait un tri. Car si nous n’arrivons pas à bien cerner l’Évangélisation ou le Grand Mandat, nous ne pourrons pas bien comprendre l’injonction d’édifier les néophytes spirituels qui nous est faite.
1.1.2. Quelques conceptions du Grand Mandat
Premièrement, Marck A. Finley conçoit le Grand Mandat de la manière suivante :
LE GRAND MANDAT que Jésus nous a confié (Matthieu 28.19, 20) s’étend bien au-delà du baptême des nouveaux convertis. Toute approche de l’évangélisation qui se focalise principalement sur le nombre de personnes baptisées passe à côté de la cible. Jésus n’a pas simplement demandé aux apôtres de baptiser des gens mais d’en faire des disciples, des chrétiens pleins de foi, qui prient, croissent quotidiennement en grâce, étudient sa Parole, adorent avec son peuple et témoignent à la gloire de son nom. Quand une église n’arrive pas à subvenir aux besoins de ses nouveaux membres, elle ne s’acquitte pas de la mission que Christ lui a confiée. L’évangélisation est incomplète en l’absence d’une stratégie d’ensemble visant à nourrir et former spirituellement ceux qui se donnent à Jésus.[7]
Cette perception est tout à fait correcte. Elle touche effectivement du doigt une plaie très profonde: l’Évangélisation incomplète. Pour Finley, une Évangélisation complète commence à partir du moment où l’on commence à évangéliser jusqu’à la maturité du croyant. Donc, il faut procurer des soins nécessaires aux néophytes spirituels. Il s’agit d’un processus.
Deuxièmement, Russell Burril, rapporté par Finley, dans une rubrique titrée «LA TRIPLE MISSION DU CHRIST» donne ainsi sa perception:
L’ordre donné par le Christ est enraciné et fondé dans cette fonction de base de la mission : faire des disciples, les baptiser et les enseigner. C’est uniquement lorsque l’Eglise adopte cette triple formule qu’elle pourra affirmer l’accomplissement de la mission évangélique. Le processus « d’aller » implique la mise en pratique de ces trois principes. Lorsque la présence de l’Eglise se manifeste dans le monde, c’est justement parce qu’elle fait des disciples, les baptise et les enseigne.[8]
Cette perception insiste sur l’indissociabilité de la triple formule faisant partie intégrante du Grand Mandat.
Troisièmement Charles Spurgeon, répondant à la question qu’il se pose lui-même: qu’est-ce alors que gagner une âme ?, souligne :
L’instruction au moyen de l’Evangile est le commencement de toute œuvre réelle sur son esprit: «Allez, faites de toutes les nations des disciples… » (Matthieu 28.19, 20). L’instruction commence l’œuvre, et elle la couronne […] Non, la «Bonne Nouvelle» se compose d’informations et d’instructions susceptibles de bénir celui qui y prête attention et la révélation de faits et de vérités qui exigent une connaissance et demandent une réponse de foi. Il s’agit d’un système logique qui s’adresse à la compréhension, s’offre à l’examen de la conscience et exige une puissance de réflexion.[9]
L’expression-clé de cette conception c’est «l’instruction commence l’œuvre, et elle la couronne». Effectivement, Spurgeon rejoint Gene Getz soutenant que l’Évangélisation doit être bien faite et elle n’est pas dissociable à l’encadrement qu’il faut donner aux néophytes spirituels. Il faut amener l’auditeur à comprendre les implications de l’Evangile. A la seule différence, Getz essaie de montrer, tout en étant distinct, le rapprochement très intime existant entre évangélisation et édification.
Quatrièmement, James Engel en collaboration avec ViggSǿgaard présente une échelle pour montrer comment fonctionne le processus de décision.
RÉACTION DE L’HOMME | |
-8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 |
Conscience d’un être suprême Certaine connaissance de l’Evangile Connaissance de principes de base de l’Evangile Compréhension de l’application personnelle de l’Evangile Réagit positivement à l’idée de devenir chrétien Reconnait ses problèmes et à l’intention d’agir Décision d’agir Repentance et la foi en Christ |
NOUVELLE CREATURE | |
+1 +2 +3 |
Evaluation après la décision Assimilation à l’Eglise Croissance conceptuelle et du comportement -Communion avec Dieu -Intendance -Reproduction intérieure -Reproduction |
Tableau 1. Modèle du processus complet dans la décision
Cette échelle, quoiqu’elle ne doive pas être vue comme une vérité absolue, est d’une grande importance. Elle nous enseigne d’abord à connaître les gens que nous voulons atteindre par l’Evangile; ce qui peut débuter avec le pont qu’il convient de jeter, les situant par rapport à leur connaissance de Dieu ou Jésus-Christ. Ils ne sont pas tous au même niveau.
Possiblement, sans ignorer la fenêtre 10/40, dans un pays donné ou une contrée quelconque, on peut ne pas trouver des gens qui n’ont aucune information de l’Evangile. Mais l’idée est noble. Il s’agit de faire en sorte que l’auditeur arrive à comprendre l’acte qu’il veut ou qu’il va poser, c’est-à-dire les implications de l’Evangile. L’échelle montre aussi qu’après le changement de camp, le nouveau converti doit intégrer un corps pour se reproduire spirituellement. C’est là que commence la croissance spirituelle. Engel se garde même d’employer le concept Évangélisation en montrant que la conversion est un processus continu. Comme tel, nous devons être patients envers les gens. Car, nous ne pouvons que semer et arroser, mais Dieu seul peut faire croître, Lui seul peut faire pleuvoir.[10] Par conséquent, quand quelqu’un vous dit qu’il n’est pas encore prêt pour accepter Jésus après avoir entendu votre message, dans un certain sens, il a raison. Un travail n’est pas encore effectué en lui. Il n’est pas encore prêt à confier toute sa vie à un inconnu.
Win et Arn quant à eux soutiennent : «La grande commission que Jésus a ordonné à ses disciples ne se termine pas avec le baptême, mais continue dans l’instruction et l’obéissance à tout ce que Jésus a enseigné.»[11] Ces auteurs pour qui l’évangélisation signifie faire des disciples, pas plus pas moins, montrent que l’Eglise a comme responsabilité d’encadrer les néophytes spirituels, les aidant à devenir de véritables disciples.
En gros, considérant les concepts étudiés et les perceptions passées en revue, l’évangélisation est un processus. Elle doit s’adresser aux émotions comme à l’intelligence et inciter à décider. Le genre d’Évangélisation sur lequel insistaient les églises du premier siècle ne se terminait pas à la conversion. Cette dernière est une étape décisive qui se produit à partir d’un cheminement; ce qui exige forcément des programmes bien construits avec des activités et des méthodes aptes à aider les gens à mieux saisir le message évangélique.
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[1] Genèse 1.26; Deutéronome 6.4; Marc 12.30, 31; Matthieu 28.19, 20
[2] J’ai pu faire un résumé analytique du chapitre quatre intitulé: «La formation de disciple» du livre Redécouvrons l’Église locale, p. 62-74. Les références sont de l’auteur. Mais j’ai comparé sa définition des expressions pour vérifier leur exactitude.
[3] Les textes suivants peuvent être considérés: Actes 14.7 ; 8.35 ; 5.42
[4] Voir les textes suivants: Actes 4. 2; 5. 21
[5]Actes 2.40; 28.23
[6] Actes 17.2, 3
[7] Marck A. Finley. Du baptême à la formation de disciples: Une vision élargie de l’Evangélisation, p.2
[8] Ibid., p. 3
[9] Charles Spurgeon. Gagner des âmes : oui, mais comment ?, Euro press, U.E, 2008, p.14
[10] Voir 1 Corinthiens 3.6
[11]Arn Charles et Win Charles. Le plan du Maître pour faire des disciples, Ed. Foi et Sainteté, USA, 1988, p. 82
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