Vers une néonatologie chrétienne dynamique et efficace

    La néonatologie est cette branche de la médecine spécialisée dans l’étude et le traitement du nouveau-né. Par analogie, j’estime qu’il est important pour tous ceux qui s’engagent dans le discipolat ou l’Évangélisation de penser à élaborer une néonatologie chrétienne (spirituelle). Il s’agit d’une philosophie de l’éducation chrétienne adaptée aux néophytes spirituels (nouveaux convertis). Elle constitue le point névralgique ministériel de l’église locale et de la mission globale. Faute d’une néonatologie chrétienne dynamique et efficace, l’immaturité des néophytes spirituels est assurée et la reproduction spirituelle compromettante.

   D’entrée de jeu, il convient d’une part de tenter de définir les concepts néophyte et néophyte spirituel et d’autre part de voir comment le dernier concept peut être appréhendé.

1. Définitions opérationnelles du néophyte spirituel

    Etymologiquement, le mot néophyte vient du grec «neo» signifiant «nouveau» et «phutos», «plante». Dans l’ensemble, il désigne une nouvelle plante. Il a une connotation botanique.

    Selon le Dictionnaire Littré[1], le mot néophyte est ainsi défini : nom donné anciennement dans l’Eglise aux nouveaux chrétiens, c’est-à-dire aux païens qui avaient embrassé depuis peu le christianisme, et à ceux qui étaient entrés nouvellement dans les ordres ecclésiastiques.

    D’après le dictionnaire de l’académie française (8èmeédition), un néophyte est une personne nouvellement baptisée. Il se dit par extension, d’une personne nouvellement convertie. Dans un sens figuré, il se dit des nouveaux adeptes d’un système, d’une doctrine. Bref, un néophyte est un adepte nouveau d’une religion, d’une doctrine, d’un parti, etc. Comment définir opérationnellement un néophyte spirituel?

    En termes d’appréhension, beaucoup d’auteurs qui traitent la question du travail de suivi qui doit être assuré par l’église ne définissent pas vraiment ce qu’est un nouveau converti ou un néophyte spirituel.[2] Par exemple, Walter Louise Jeter dit tout simplement: «Les nouveaux convertis ressemblent à des nouveau-nés. Ils ont besoin de soins constants. Si nul ne s’en occupe, ils risquent […] de mourir spirituellement.»[3]

    Toutefois, à mon humble avis, un néophyte spirituel dans un sens chrétien ou évangélique, est plus qu’un adepte du christianisme ou d’un groupement chrétien quelconque, mais c’est une personne fraîchement née de nouveau, ayant accepté Jésus-Christ par la foi, après avoir été d’une façon ou d’une autre évangélisée, étant appelé à mûrir dans cette foi jusqu’à la stature parfaite de Christ à travers un processus d’encadrement dans un temps raisonnable.

   Une grande question s’impose : chronologiquement, quand quelqu’un cesse-t-il d’être un néophyte spirituel ? En fait, un néophyte spirituel est un bébé spirituel, mais un bébé spirituel n’est pas forcément un néophyte spirituel. Par exemple, l’auteur de l’épître aux Hébreux a qualifié ses destinataires de bébés malgré le nombre de temps de leur conversion.[4]

   Par conséquent, ce n’est pas vraiment en fonction du nombre d’années de conversion qu’il faut mesurer la maturité spirituelle. Mais plutôt en fonction des évidences du fruit de l’Esprit. Ces évidences prennent racine à partir d’un processus d’intégration et d’encadrement que doit bénéficier le néophyte spirituel. Voilà pourquoi dans ma tentative de définition, j’évoque l’expression temps raisonnable. C’est très relatif. Certains plaident pour un an, d’autres deux à trois ans.  Je pense qu’un néophyte spirituel  peut être considéré comme tel pendant une période d’un à deux an(s).

2. Caractéristiques des grandes étapes de la vie humaine

    La pédagogie moderne se veut être très réaliste et pragmatique tout en restant scientifiquement rigoureuse. Enseigner quelqu’un suggère une bonne connaissance de lui. Rick Warren a dit: «Un des obstacles les plus importants à la croissance de l’église est la ‘’méconnaissance des gens.’’ »[5] On ne peut pas fournir un enseignement solide et sérieux à quelqu’un sans plus ou moins le connaître dans ses idées comme dans ses agissements, quoique ce soit très difficile. Selon l’anthropologie biblique, l’homme a été créé à l’image de Dieu, laquelle image a été souillée par le péché.

    De ce fait, je trouve qu’il est de bon ton de toucher du doigt les différentes périodes de la vie prises dans leurs caractéristiques propres. Cette capacité ou connaissance des caractéristiques d’un ou des individu(s) faisant l’objet d’un enseignement biblique conduirait plus ou moins à des réponses appropriées basées sur des besoins particuliers.

    Beaucoup de spécialistes en matière de psychologie du développement humain reconnaissent que la vie est divisée en trois grandes étapes ou trois grands âges: l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Mais tous les auteurs ne s’entendent pas sur la subdivision de ces étapes. Selon certains spécialistes, ces trois grandes étapes de la vie sont ainsi subdivisés: l’enfance (de la naissance à 11 ans), l’adolescence (11 à 17 ans) et l’âge adulte (18 ans et plus).[6]

    Cependant, la question des caractéristiques présente certaine complexité. Même deux personnes évoluant dans l’espace d’une même tranche d’âge présentent parfois des caractéristiques différentes. Toutefois, il y a certaines caractéristiques qui sont communes aux groupes d’âges. Par conséquent, ils peuvent avoir des besoins communs et des caractéristiques communes. Par exemple, selon des spécialistes, sur le plan mental et physique, la croissance des enfants est rapide et leur curiosité est en éveil. Sur le plan social et spirituel, ils désirent vivre une vie qui soit belle. Ils sont sensibles aux concepts du bien et du mal. Cela montre d’une certaine manière l’importance d’enseigner dans de groupes d’âges identiques.

    En fait, tout individu n’atteint pas sa maturité de la même manière, même quand les âges peuvent être les mêmes. Tout cela est lié à la personne en question et à son aptitude d’adaptation et autres.

    Puisque j’opte essentiellement pour une néonatologie chrétienne efficace, je présente d’une part, non pas de manière absolue, les caractéristiques de chaque tranche d’âges en termes de base théorique sur le plan du développement humain. D’autre part, je présenterai de manière globale des caractéristiques qui sont communes aux néophytes spirituels.

    Dans cette section s’avérant importante, tous les groupes d’âges sont importants, même les enfants. Bien entendu, je pense qu’un bébé ne peut pas croire. Mais certains théologiens croient qu’un enfant peut être converti. Par exemple, Francis Schaeffer pense ainsi la question: 

Il y a un même évangile pour les enfants et pour les adultes. L’Evangile pour les enfants n’est pas un autre Evangile, mais il y a seulement le problème de traduire les grandes vérités de la foi chrétienne dans un langage simple. On dit que la période la plus décisive dans le développement de l’intelligence d’un homme se situe entre deux et six ans […][7]

    Une telle avancée fait miroiter deux idées essentielles. D’une part, l’art de communiquer la Parole de Dieu à tout âge et d’autre part l’importance des premières années dans le processus d’enseignement.

    Examinons un résumé des caractéristiques liées aux différentes tranches d’âge dans le tableau situé à la page suivante.[8]

    Le tableau est très important. Il peut nous aider entant que pédagogues chrétiens à prendre conscience des réalités liées à chaque tranche afin d’avoir une approche plus adaptée et nuancée.

    Toutefois, le tableau ne nous permet pas tout à fait de comprendre les caractéristiques fondamentales du néophyte spirituel entant que tel.

    Voilà pourquoi, à la lumière du Nouveau Testament, j’essaye de présenter quelques caractéristiques spirituelles fondamentales, sans ignorer qu’il peut y en avoir d’autres. Elles me permettent de comprendre les points forts et les points faibles de l’âme qu’on veut encadrer. J’insiste.

Tranches d’âges[9] Physiquement Mentalement Socialement Emotionnellement Spirituellement
naissance à 24 mois il grandit vite. il découvre. il est limité. il est sensible. il est dépendant.
de 2 à 3 ans il est actif. l’âge des découvertes. il est égocentrique. il est peureux.   C’est un imitateur.
de 4 à 5 ans il aime beaucoup jouer. il questionne. il est conformiste. il réagit. il croit tout.
de 6 à 8 ans C’est un actif en pleine phase de croissance et de développement. il observe. il est amical. il a besoin d’être rassuré. il est capable de discerner.
de 9 à 11 ans il est actif. il cherche. il s’adapte. il est expansif. il s’identifie aux autres.
de 12 à 14 ans il change. il est critique. il cherche la compagnie. Variabilité. il a besoin de transformation.
De 15 à 17 ans il devient plus fort. Vivacité. il est amical. il est à la recherche d’expériences. il est réaliste.
De 18 à 34 ans il est au mieux de sa forme. l est plein d’épanouissement. il centralise. Il a besoin de stabilité. il pose les fondations.
de 35 à 54 et de 55 à 64 il commence à décliner. il est productif et tenace. il a de nouveaux intérêts. il est satisfait lorsqu’il se sent épanoui. il porte les fardeaux.
65 ans et plus les forces diminuent. il peut donner de sages conseils. ses intérêts se rétrécissent. il est fragile. c’est le moment du teste.

          Tableau 1. Caractéristiques liées aux différentes tranches d’âge

3. Caractéristiques du néophyte spirituel

    Premièrement, selon la pensée paulinienne, le néophyte est spirituellement instable. Dans Ephésiens 4.13-14, Paul, après avoir présenté les dons ministériels et les raisons essentielles de ceux-ci dans la communauté ecclésiastique, montre que si les croyants sont édifiés ils ne seront plus des enfants flottants et emportés à tout vent de doctrine. Donc, le néophyte n’est pas encore enraciné dans l’enseignement de la Bible. S’il est converti sans avoir compris plus au moins le sens et les implications de l’Evangile, il peut être une proie facile.

    Dans Colossiens 2 aux versets 6 et 7, Paul adresse des avertissements aux chrétiens contre les fausses doctrines et les discours séduisants. Il les persuade à marcher en Jésus-Christ conformément aux instructions qu’ils ont reçues. Selon ce texte, le fait de garder la foi est un signe clair de maturité chrétienne. Le néophyte quant à lui n’a pas encore cette maturité. Cet état de fait intrigue l’apôtre. C’est presque le même cas pour les chrétiens de Corinthe, chez qui les dons étaient manifestes. Mais ils étaient encore charnels, selon 1 Corinthiens 3 aux versets 1 à 9.

    Deuxièmement, dans Galates, s’adressant à une communauté à la fois judéo-chrétienne et pagano- chrétienne, Paul éprouve une grande douleur qui ne pouvait cesser que lorsque Christ aurait été formé  dans les croyants (Galates 4.20). En termes clairs, le problème qui s’est soulevé par rapport à la loi, auquel Paul veut apporter une réponse solide, est un signe que ces croyants étaient encore des bébés. Le néophyte est doctrinalement peu convaincu.

    Troisièmement, dans l’épître aux Hébreux, l’auteur souligne à l’encre forte que les destinataires étaient des bébés étant encore au lait, n’étant pas en mesure de prendre des nourritures solides. Car ils sont caractérisés par un jugement très faible et une incapacité de discernement (5.13-14; Jean 6.60). Ils sont par conséquent incapables de bien raisonner, de faire une distinction entre un faux et un bon enseignement, entre le bien et mal, entre le régime de la loi et celui de la grâce, entre le système sacrificiel de l’ancienne alliance et celui du Christ qui est meilleur. Cette caractéristique est très importante à comprendre dans le contexte du néophyte spirituel.

    Comme dernière caractéristique, le fait par Jésus de déclarer publiquement son engagement de prier pour Pierre, lequel se croyait fort, afin que sa foi ne se défaille, nous enseigne clairement que, par rapport au péché, aux persécutions, aux attaques et aux flèches acérées du diable, le néophyte est zélé, mais sans intelligence et prudence.[10] D’où l’expression «avoir un zèle de néophyte». Comme les néophytes spirituels sont très zélés ! Toutes ces caractéristiques sont des évidences d’immaturité spirituelle.

   En définitive, le mandat que Jésus a donné à l’Eglise consiste à faire de toutes les nations des disciples, ni plus ni moins. Ce processus de formation de disciples exige des efforts pédagogiques colossaux capables d’assurer le cycle de reproduction spirituelle.  

    L’Eglise doit pouvoir développer l’art de communiquer la Parole  de Dieu à tout âge en mettant en exergue l’importance des premiers pas des disciples dans la foi dans le processus enseignement-apprentissage. Cette prise de conscience des réalités liées à chaque tranche d’âge la permettra d’avoir une approche plus adaptée et plus nuancée dans ses efforts d’encadrement des néophytes spirituels.

    Faute d’une néonatologie chrétienne dynamique et efficace, l’immaturité des néophytes spirituels est assurée et la reproduction spirituelle compromettante. Il est important de repenser nos mécanismes et approches d’Evangélisation (ce que j’appelle pré-natalogie) afin d’aboutir à cette néonatologie chrétienne capable de dynamiser l’église, d’activer les automatismes de croissance pour une église reflétant le plan et la vision de Jésus-Christ pour chaque disciple et pour le monde.

 

Cet article est tiré, version revue, augmentée et corrigée, de mon ouvrage Une pédagogie chrétienne adaptée aux néophytes spirituels, disponibles sur Amazon en version brochée et électronique.


[1] Cette définition est tirée du site: www.mediatico.com/dictionnaire/definition/neophyte, consulté le 24 Décembre 2012.

[2] Je considère pour synonyme l’expression «bébé spirituel» quand il est question du temps et d’immaturité spirituelle, mais non dans le sens strictement biologique du terme.

[3] Walter L. Jeter. Evangéliser aujourd’hui, ICI University Presse, USA, 1996, p.372

[4] L’expression utilisée par l’auteur au chapitre 5 au verset 12, selon la version Louis Segond : « Vous, en effet, qui depuis longtemps devriez être des maitres» donne implicitement un temps ou une période non déterminé, e.

[5] Rick Warren. L’Eglise une passion, une vision, p. 140

[6] Manuel de formation pour l’Institut de l’Évangélisation des enfants, préfacé par Violet M. Lopes, p.27 

[7] Manuel de formation pour l’Institut de l’Évangélisation des enfants, p.54, 55

[8] C’est moi qui reproduis les données dans le tableau avec de légères modifications (Ibid., p. 31-87).

[9] Les noms attribués à chaque groupe d’âge: Le petit enfant (de 2 à 3 ans); l’enfant (de 4 à 5 ans); l’enfant (de 6 à 8 ans); l’âge de la responsabilité à rendre service (de 9 à 11 ans); le jeune travailleur- préadolescence et adolescence (de 12 à 17 ans); une indépendance croissante- préadolescence (de 12 à 14 ans); l’âge de l’action ( de 15 à 17 ans); l’âge adulte (de 18 ans et plus); le travailleur dynamique ( de 18 ans à 34 ans); une force puissante- l’âge mûr (de 35 à 54 ans et de 55 à 64 ans); les années de déclin (de 65 ans et plus).

[10]  L’immaturité spirituelle résulte non seulement d’un manque de connaissance de la parole de Dieu, mais aussi dans la reconduction d’un certain trait de comportement non chrétien. La connaissance de la parole est une étape importante, le socle sur lequel la maturité et la perspective chrétienne se construisent.

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