jesus, christ, god-4779548.jpg

Une brève histoire du Christianisme en Asie

Une brève histoire du Christianisme en Asie est un article écrit par Windel B. Étienne, inspiré de Douglas Jacobsen.

Aujourd’hui, au 21ème siècle, 400 millions de chrétiens vivent sur le continent asiatique, ce qui représente moins de 10% d’une population qui représente 60% de la population mondiale. Cette croissance est la résultante d’une histoire faite de hauts et de bas avec des contradictions majeures. Ces données rejettent catégoriquement l’idée selon laquelle le Christianisme est une religion étrangère à l’Asie. Plusieurs raisons expliquent ce rejet.

church, altar, church pews-2727876.jpgD’abord, le Christianisme a vu le jour en Asie. Tout a commencé en Palestine, notamment à Jérusalem avec Jésus, le personnage central de la nouvelle religion, qui Lui était asiatique. Rapidement, avec la détermination à toute épreuve des disciples, qui eux aussi étaient à l’origine asiatiques, après le phénomène de la Pentecôte, le mouvement allait se déployer en Asie au même moment qu’il se déployait en Afrique et en Europe. Ensuite, historiquement l’Arménie est reconnue comme étant le premier pays à avoir adopté le Christianisme comme religion officielle de l’État en 301, bien avant l’empire aksoumite et romain.

Dans cet essai sur l’histoire du Christianisme en Asie, je me propose donc de montrer les différentes phases d’expansion ou de croissance du mouvement ainsi que celles de sa décroissance pour enfin mettre en lumière la théologie chrétienne en Asie dans l’objectif de dégager des pistes missiologiques dans la logique de la poursuite du mouvement non seulement sur le continent, mais aussi dans le monde entier.

Le Christianisme à la croisée du Zoroastrisme

Selon Jacobsen, Jusqu’en l’an 900, l’Asie comptait plus de disciples de Jésus que tout autre endroit.[1] Depuis son origine au premier siècle jusqu’en l’an 500, de la Palestine à l’Iran et l’Irak actuel, le Christianisme gagnait du terrain en Asie. L’Église nestorienne, appelée aussi l’Église du Sud, est reconnue comme étant la plus grande des anciennes églises d’Asie. Ephrem (306-373 CE), dit le Syrien, compositeur de grand talent, converti au Christianisme en 303, est reconnu comme l’une des grandes figures qui se sont levées pour répandre la Bonne Nouvelle par des chants, notamment des hymnes qu’il a composés et auxquels il a ajouté des notes théologiques, dont plus de 400 existent encore aujourd’hui.

L’empire perse étant profondément zoroastriste, le Christianisme allait connaitre quelques défis qui allaient ralentir son expansion. Le Zoroastrisme comme tendance philosophique qui prône le dualisme, allait avoir de fervents défenseurs jusqu’à persécuter, pourchasser et tuer des chrétiens. Pendant ce temps, pour des raisons à la foi théologique, notamment sur la nature de Jésus, et de traditions, la relation entre l’Église persane et l’Église Catholique romaine n’allait pas de bon train. Toutefois, le mouvement ne s’est pas stoppé.

L’accueil chinois du Christianisme

Entre l’an 500 et 1000, dans la dynamique du commerce international, un moine chrétien du nom de Alopen, durant son voyage en Chine allait faire parler de lui au point d’impressionner l’empereur jusqu’à bénéficier de sa bonne grâce de pouvoir de prêcher à travers tout le pays. Copiant le modèle des missionnaires bouddhistes qui s’installaient déjà dans le pays, Alopen allait non seulement traduire le Christianisme dans le langage et la culture de la Dynastie Tang en Chine, mais aussi procéder à la construction de monastères. Son travail connut un grand succès jusqu’en Asie Centrale et Asie du Sud-Est.

La montée de l’Islam et les croisades

L’Islam, religion monothéiste comme le Christianisme, apparut dans les années 600 allait constituer le facteur majeur de la première grande récession du Christianisme en Asie. Se présentant comme étant une religion sans histoire et la religion originale de l’être humain sans prêtres, hiérarchie et des doctrines complexes comme c’est le cas du Judaïsme et du Christianisme, l’Islam s’imposait progressivement en Asie à travers ses différentes conquêtes. Selon Jacobsen, Dans toutes les terres conquises par les Arabes, le christianisme a commencé à décliner, d’abord lentement, puis plus rapidement.[2] Toutefois, la récession du Christianisme s’explique aussi par deux autres facteurs majeurs. D’une part par la résistance à laquelle il allait faire face, notamment en Chine au milieu des années 800 sous la Dynastie Tang qui était très acerbe à tout ce qui n’était pas traditionnellement chinois. Ainsi, à la fin du siècle, il n’y avait presque plus de chrétiens sur le territoire chinois.

khor virap, armenia, religious-4660018.jpgD’autre part, le Christianisme allait régresser en Asie entre 1100-1500 avec l’arrivée des croisades, entreprise de l’Église Catholique romaine pour conquérir la Terre Sainte et la libérer de la domination Musulmane entre 1100 et 1200. A cause de cet épisode sombre, les relations entre les chrétiens et les musulmans allaient être détériorées. Désormais, les chrétiens étaient perçus comme étant des terroristes, des instruments entre les mains de l’Occident pour asseoir leur domination. C’est là que les persécutions allaient sévèrement commencer contre les chrétiens pour atteindre son apogée durant le règne de Timur Leng (1370-1405), un tyran farouche dont l’objectif était toute l’Asie Centrale.

L’entrée en scène des Chrétiens Européens

Avec l’arrivée des Chrétiens Européens en Asie au 16ème siècle, le Christianisme allait connaitre un essor. En 1498, les Portugais sont arrivés en Inde. Malgré la présence de chrétiens indiens professant déjà la foi chrétienne sur le territoire, les Européens, au lieu de collaborer avec eux pour faire avancer la cause de l’Évangile, affichaient plutôt une attitude de mépris, de préjugé, de supériorité et de rejet au point de les punir et même les tuer suite du Synode de Diamper (1599) condamnant le Christianisme indien. Joints aux Portugais les Espagnoles dans leur entreprise de colonisation de l’Asie de l’Est au milieu des années 1500. Selon Jacobsen, les plus grands contributeurs à cette quatrième expansion du christianisme en Asie ont été les Jésuites, un ordre religieux catholique… qui a été fondé en 1534.[3]

La réussite des Jésuites s’explique par leur effort de contextualiser le message chrétien dont ils portaient en étudiant la haute culture de la société, devenant ainsi des érudits locaux, et expliquant le Christianisme dans les termes de ces cultures en espérant que les intellectuels locaux se convertissent. Toutefois, malgré ses réussites, le mouvement des Jésuites allait face faire à des oppositions violentes, notamment au Japon en 1641 sous le règne de Tokugawa qui bannissait le Catholicisme, l’accusant de semer du désordre dans la région.

Au sein même du Catholicisme, tous ne parlaient pas le même langage, notamment quant aux stratégies des Jésuites. En 1714, cela obligea le Pape Clément XXI a signé un bull, Ex illa die pour interdire le chrétien catholique chinois de pratiquer le rituel funéraire des ancêtres, ce qui a causé bien des dommages dans les missions catholiques en Asie. En 1939, il a fallu apporter des changements, le Plane compertum est, dans cette décision par le Pape Pie XII pour améliorer la situation.

Avant 1800, le mouvement missionnaire allait timidement commencer à intéresser aussi les missionnaires Protestants, dont Ziegenbalg et Heinrich Pluschau sont parmi les plus notables À la fin des années 1700, des vagues de missionnaires protestants européens ont commencé à arriver en Asie. Parmi les plus fameux se trouvent William Carey, Un missionnaire baptiste venu de l’Angleterre, dont ses missions plaçaient étaient basées sur l’évangélisation, la traduction de la Bible, l’éducation et la justice sociale, en mettant l’accent sur les droits des femmes et des enfants.

Si Carey et son équipe n’avaient pas de grands succès dans l’Évangélisation, ils ont toutefois réussi dans les autres domaines. Toutefois, les efforts missionnaires catholiques et protestants faisaient face à des oppositions en Asie, car les Asiatiques étaient sceptiques quant à leur véritable intention par peur d’être colonisés par les Européens au regard du lien étroit qu’il y avait souvent entre le Christianisme et la colonisation.

Toutefois, certains ont embrassé le Christianisme pour devenir chrétiens, comme ce fut le cas de Liang Fa qui fut à la fois un évangéliste indigène, intellectuel et écrivain asiatique. Le mouvement protestant prenait au fur et à mesure diverses formes en Asie avec une orientation Pentecôtiste avancée jusqu’à aujourd’hui en Chine et en Asie de l’Est, même si avec la montée du Communisme en Chine prônant par exemple la Révolution Culturelle (1966-1976), la religion y compris le Christianisme, allait être dans le viseur comme mouvement à détruire. Mais, selon Jacobsen, au lieu de détruire le christianisme, la révolution culturelle a ironiquement favorisé sa croissance.[4]

Le génocide Arménien

Si le Christianisme croissait en Asie de l’Est entre 1900 à nos jours, dans d’autres parties du continent, notamment dans le Moyen-Orient, il a commencé sérieusement à décliner, surtout avec le génocide Arménien, en 1915, un vaste mouvement de persécution contre les chrétiens en Turquie, qui a causé la vie à des millions de gens. Ce génocide a réduit de près de la moitié la population chrétienne du Moyen-Orient, et le nombre de chrétiens dans la région a encore chuté au cours des vingt-cinq dernières années.[5] Si en 1900 ils représentaient environ 15% de la population du Moyen-Orient, aujourd’hui, ils ne sont que 3 %.

Religion et Théologie en Asie

L’Asie est un continent de grande diversité religieuse où se côtoient toute sorte de tendances, de philosophies, d’expériences religieuses et de spiritualités. Si en Asie du Sud-Est le Christianisme va au ralenti dans un contexte de mixtion religieuse, En Asie du Sud, dans un contexte Buddhiste ou Séculier, il ne se porte pas trop mal, notamment en Chine, au Japon, Mongolie, les deux Corées et Taïwan, en dépit des particularités liées à chacun de ces pays. Toutefois, c’est en Asie que les Chrétiens sont plus persécutés à travers le monde.

En Asie, les Chrétiens expérimentent la foi chrétienne dans un contexte marqué par une grande importance accordée à la collectivité, l’harmonie sociale, le respect de la hiérarchie, la loyauté civique et la dualité des réalités (Yin-Yang). Selon Jacobsen, la plupart des chrétiens asiatiques cherchent des moyens de rester solidement fidèles au Christ tout en exprimant simultanément leur solidarité avec leurs voisins non chrétiens et leur loyauté envers leurs gouvernements non chrétiens.[6]

C’est dans ce contexte qu’un fameux théologien Chinois comme Ding Guangxun, connu sous le nom de K.H.Ting, consacrait sa vie en essayant d’harmoniser le Christianisme et le Communisme chinois dans l’intention de montrer que le Chrétien chinois peut dialoguer avec tous les non-chrétiens, indépendamment de leur religion ou philosophie, car selon lui le Jésus de l’Évangile n’est pas un « Dieu bulldozer ».

Dans cette logique de collectivité et de sentiment d’appartenance, le péché est surtout compris dans sa dimension collective dans le sens de ses conséquences sociales ou sur les individus de la collectivité.

Ainsi, le pluralisme religieux est un débat encore vif dans la théologie chrétienne asiatique, comme par exemple en Inde avec un théologien comme Atul Aghamkar et le Yesu Bhakta movement. Cité par Jacobsen, selon Kosuke Koyama, fameux théologien protestant japonais, tous les enseignements religieux sont des composites de nombreuses traditions. Il n’y a pas de bouddhisme ou de christianisme pur.Ainsi, la question principale en Asie n’est pas de savoir quelle religion est vraie, mais quelle religion ou tradition culturelle, puisque la religion et la culture sont si difficiles à séparer, pourrait offrir une orientation utile dans une situation particulière.[7]

Enfin, l’histoire du Christianisme en Asie est riche en leçons que nous pouvons tirer aujourd’hui vue sa complexité, sa diversité, ses différentes phases de croissance et de déclin et surtout la capacité de l’Évangile à pénétrer des cultures et communautés parfois hostiles sous la supervision du Chef suprême de l’Église, Jésus. Il s’agit d’un continent où les enjeux sont de taille, mais les opportunités de communiquer l’Évangile immenses.


[1] Douglas Jacobsen, Global Gospel: An Introduction to Christianity on Five Continents (Grand Rapids, Michigan: Baker Academic, P.148

[2] Ibid., P.152

[3] Ibid., P.156

[4] Ibid., P.162

[5] Ibid., P.163

[6] Ibid., P.180

[7] Ibid., P.183

 

1 thought on “Une brève histoire du Christianisme en Asie”

  1. Pingback: La Bible comme Écriture Chrétienne: Perspective Wesleyenne - Windel B. Etienne

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *