Dans ce court article, nous nous intéressons à la question suivante : Si nous sommes justifiés par la foi seule, quel est le statut des bonnes œuvres dans la vie chrétienne ?
La doctrine de la justification (par la grâce) est cardinale dans la théologie chrétienne et donc fondamentale pour la vie chrétienne. Elle est pourtant l’une des doctrines les plus controversées et les plus mal comprises. Les deux grandes positions historiques entre la théologie catholique et la théologie de la Réforme, notamment avec Martin Luther, expliquent en grande partie cette controverse. Si, pour la théologie catholique, on est justifié par la foi et les bonnes œuvres, pour Martin Luther et d’autres réformateurs, la formule était que l’on est justifié uniquement par la foi. Migliore résume la doctrine en une triple formule comme suit :
L’acte de justification de Dieu se fait par la grâce seule (sola gratia), en Christ seul (solus Christus), reçu par la foi seule (sola fide)[1].
Les auteurs du Nouveau Testament, en particulier dans la théologie paulinienne, affirment clairement que l’homme ou le pécheur n’est justifié que par la foi (Rom. 3:26 ; Rom. 3:28 ; Rom. 5:1 ; Gal. 2 :16). Ainsi, la foi est présentée comme la réponse du pécheur à la grâce de Dieu.
Pour mieux comprendre la question qui nous préoccupe, considérons la définition suivante de la justification par Wayne Grudem :
La justification est un acte juridique instantané de Dieu par lequel il (1) considère que nos péchés sont pardonnés et que la justice du Christ nous appartient, et (2) nous déclare justes à ses yeux. »[2]
La justification est l’acte par lequel Dieu nous déclare souverainement justes. En d’autres termes, il s’agit d’une déclaration juridique divine. Dieu nous justifie parce que la justice de son Fils Jésus est égale à la sienne. Aucune œuvre ou effort humain ne peut égaler la justice de Dieu. Par conséquent, étant justifiés par la foi, lorsque Dieu nous regarde, il voit automatiquement son Fils sacrifié sur la croix pour nous réconcilier avec lui. C’est dans ce contexte que nous parlons de justification imputée, dans le sens où la justice du Christ est considérée par Dieu comme notre justification, indépendamment de nos bonnes œuvres.
Les bonnes œuvres dans la vie chrétienne ne justifient pas, mais confirment plutôt notre justification. En d’autres termes, elles sont des conséquences ou des preuves que nous sommes effectivement justifiés par la grâce de Dieu. Wayne Grudem paraphrase la pensée de Jacques en ces termes :
Jacques dit qu’une personne est “reconnue juste par ses œuvres, et non par sa seule foi”. C’est une chose avec laquelle Paul serait certainement d’accord (2 Cor. 13 :5 ; Gal. 5 :19-24).[3]
Cependant, il semble un peu difficile de ne pas voir dans la justification une dimension éthique ou morale qui tienne compte de la relation intime qu’elle entretient avec la sanctification. Selon Migliore, Barth décrit la relation indissoluble entre la justification et la sanctification avec une précision caractéristique :
La justification est la base et la présupposition de la sanctification ; la sanctification est le but et la conséquence de la justification[4].
La justification et la régénération (qu’on pourrait appeler sanctification initiale même s’il y a une différence entre les deux), en tant qu’œuvres de grâce, se produisent simultanément dans la vie du pécheur repentant. Par conséquent, la justification, en tant que déclaration “légale” de Dieu selon laquelle il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ (Romains 8:1), exige des fruits qui en sont dignes. Il est impossible d’être justifié sans produire de bonnes œuvres par la foi.
[1] Daniel L. Migliore, Faith Seeking Understanding: An Introduction to Christian Theology (3rd ed). (Eerdman’s, 2014), Scribd, p.472/926
[2] Wayne Grudem. Systematic Theology: An introduction to biblical doctrines (Michigan, Grand Rapids: Zondervan, 1994), p.883
[3] Wayne Grudem, p.893
[4] Migliore, p.478/926