Dans cet article, Windel Benjamin Etienne vous invite à découvrir le pouvoir de la pensée, l’influence que peuvent avoir les récits dans lesquels nous croyons et notre vision du monde sur le développement ou le sous-développement. Vous comprendrez enfin comment les valeurs judéo-chrétiennes ont contribué et peuvent encore contribuer au développement des sociétés.
Selon certaines statistiques, en 1900 on comptait 8 millions de chrétiens sur le continent africain ; ce qui représentait 10 % de la population. Cent ans plus tard, le continent comptait 351 millions de chrétiens, soit une personne sur deux confessait Jésus-Christ. 60 % de l’Afrique Sub-saharienne se disent chrétiens. Selon certaines prospections, d’ici 2050, 4 Africains sub-sahariens sur 10 seront chrétiens. Gloire à Dieu. Allons en profondeur.
En 1900, il y avait seulement 1% de chrétiens au Kenya. A ce moment-là, il y avait 30 % de couverture forestière. 100 ans plus tard, la population comptait 79% de chrétiens avec seulement 3% de couverture forestière.1 A l’aube de 2022, le gouvernement veut faire passer la couverture forestière de 7 % à 10%. Alors, un problème crucial se pose : pourquoi plus la population compte de chrétiens, moins il y a de couverture forestière ? Quelle est l’influence de la foi et des pratiques chrétiennes sur une telle société ?
Dans un cadre plus global, quelle influence le christianisme exerce-t-il sur certains pays dits d’expression chrétienne sur le plan social, économique, politique, familial, écologique ou environnemental ? Qu’est-ce qui explique que certains pays sont riches et d’autres pauvres ? Qu’est-ce qui explique que le continent africain, le plus riche en termes de ressources naturelles et de biodiversité reste un continent pauvre, à la risée des autres continents, tandis que d’autres n’ont pas toutes ces ressources, pourtant sont riches ?
Remise en cause des pratiques anciennes
Répondre à ces questions n’est pas aussi simple. Toutefois, nous partons avec le paradigme que la pensée chrétienne et même judéo-chrétienne peut être à l’origine de sociétés transformées et radicalement développées si toutefois ses valeurs sont mises en application.
En ce début du 21ème siècle, l’aide humanitaire est sérieusement remise en question pour priser l’aide au développement. Force est de constater que le paradigme d’assistanat trop longtemps appliqué vis-à-vis des pays africains en particulier n’est jamais parvenu à les développer. Les milliards de dollars qui sont « versés » chaque année au contient n’ont jamais créé des changements radicaux réels en termes de développement et d’émancipation. Quelque chose ne va pas. Le moment est venu de changer de paradigme.
Changement de paradigme par la pensée
Le livre des proverbes chapitre 3 versets 13 à 15 nous livre une sagesse incroyable :
Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et l’homme qui possède l’intelligence. Car le gain qu’elle procure est préférable à celui de l’argent, et le profit qu’on en tire vaut mieux que l’or ; elle est plus précieuse que les perles, elle a plus de valeur que tous les objets de prix.
L’homme qui possède l’intelligence ou la sagesse est heureux. Il vit dans un état de bien-être. En d’autres termes, celui qui est libre de penser en faisant un bon usage de ses facultés mentales est heureux. L’homme qui pense pour créer de la richesse est heureux. Parce que c’est la pensée qui est à l’origine de la richesse et de l’abondance.
Le contraire est tout aussi vrai. Malheureux est celui qui ne pense pas. Malheur au pays qui regorge de ressources naturelles, mais qui ne pensent pas pour les transformer et permettre à la nature de développer ses potentialités.
La création est la matérialisation de la pensée divine. Dieu a pensé et Il a donc créé. Par conséquent la pensée crée. Ainsi, l’être humain est appelé à penser pour créer. Dans ce contexte, Gorges Gilder nous parle en ces termes :
La matière est subordonnée à la pensée et à l’esprit, et ne peut être comprise que par des hommes libres… La pensée humaine, qui est faite à l’image de son créateur, exerce le pouvoir de la connaissance contre la puissance du déclin.2
L’image politique de Dieu dans l’être humain lui donne le mandat de dominer la création. Libre de pensée, est-il en mesure de changer ses conditions de vie et celles de ses semblables. Privé de cette faculté, il est condamné à subir le sort d’une vie qui ne pardonne pas.
C’est la pensée qui précède la matière, mais non l’inverse. La matière, qui n’est pas éternelle, ne doit pas être méprisée, mais maîtrisée pour créer des conditions de vie reflétant nécessairement la gloire et la volonté de Dieu. Warren T. Brookes :
La richesse n’est pas physique, elle est métaphysique, c’est-à-dire qu’on ne la trouve pas dans la matière mais dans l’esprit ; et comme elle est dans l’esprit, elle est tout de suite libératrice et conquérante sur le plan individuel, universellement disponible et unificatrice.3
La vraie richesse n’est pas ce qu’il y a dans le sous-sol, mais dans le cerveau de l’humain, dans sa capacité de penser et d’agir en conséquence. C’est plutôt notre conception de l’être humain, notre vision du monde et notre culture que nous devons examiner et redéfinir. Darrow Miller soutient que les principes fondamentaux d’une culture, le « récit » qu’elle tient pour vrai, et la vision du peuple, posent les fondements de son développement.4
Remise en cause de nos récits et croyances
Nous devons avoir la capacité de questionner les histoires dans lesquelles nous croyons et que nous racontons à nos enfants. Car elles ont des conséquences. Nous devons aussi revoir notre mode de relation avec la religion. Quel rapport peut-on établir entre le développement et la religion ? Comment vivons-nous notre spiritualité dans le contexte de nos systèmes de pensée, notre façon de vivre, de concevoir et dessiner l’avenir de notre propre communauté et du monde.
Le discours tenu en chaire ne doit pas s’adresser à des super-humains évoluant dans une autre planète et vivant une toute autre réalité. Il doit plutôt s’articuler autour de la vraie liberté que le Christ procure à ceux qui Le suivent.
La liberté que donne Jésus n’est pas que spirituelle, mais également physique, sociale, économique, financière et psychologique. Faire semblant de nier les réalités cosmiques n’engendre que le sous-développement et l’enveloppement.
La production de la pensée est donnée à tous puisque tous sont créés à l’image de Dieu. La pauvreté de l’esprit ou de la pensée garantit la pauvreté matérielle indépendamment des ressources naturelles disponibles. Il s’agit d’un élément fondamental à prendre en compte dans nos analyses, sans ignorer bien sûr d’autres paramètres.
A la découverte des énigmes de Dieu
Dans Proverbes 25 au verser 2, le sage nous parle ainsi : « La gloire de Dieu est de cacher les choses ; la gloire des rois, c’est de sonder les choses. » La gloire des êtres humains est de sonder les choses, c’est-à-dire parvenir à découvrir leurs potentialités.
Comme un bon pédagogue, Dieu nous donne des défis à relever. Il nous livre une nature brute à dompter. A nous de décoder le langage divin dans la création. La gloire de Dieu n’est pas de sonder les choses. C’est plutôt notre rôle. Ainsi, Il ne fera pas pour nous ce que nous pouvons faire et ce pourquoi Il nous a donné des capacités.
Il est tout à fait contre-productif de préparer des âmes pour aller à la rencontre du Seigneur, dans un temps que nous ignorons complément, en niant les responsabilités sociales que nous avons. Notre rôle consiste à diminuer le chaos, à créer de l’ordre et nous prendre en main. Car Dieu se réjouit quand Il voit ses enfants en mode de recherche et de découverte de leurs potentiels.
Quand nous n’exploitons pas les potentiels que Dieu nous donne ; quand nous ne développons pas une attitude responsable vis-à-vis de cette création dans laquelle Dieu nous a placée, nous ne faisons pas honneur à notre Concepteur.
A la manière du missionnaire William Carey ayant exercé son ministère en Inde, là où il y a un désert aride, nous devons nous efforcer de faire pousser des forêts. Là où il y a de mauvaises herbes, c’est notre responsabilité de faire pousser des jardins. Là où il y a des calamités et de la désolation, c’est à nous de faire naître l’espoir en posant des actions concrètes. Le temps n’est pas à la lamentation, mais à l’action créatrice.
Israël comme start-up nation
L’Israël moderne considéré comme une start-up nation, est un exemple extraordinaire. Devenu un Etat en 1948 par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et non placé sous un régime théocratique, avec une population estimée à 8 904 373 d’habitants dont 6 104 000 Juifs en 20145 et d’un territoire exigu de 20 770 Kilomètres carrés et préalablement très désertique, dans des endroits arides, Israël est en train de faire pousser des forets. Pourquoi ?
Parmi les multiples explications qu’il peut y avoir, force est de reconnaître que ce peuple, malgré toutes les péripéties qu’il a connues à travers les siècles, a toujours compris non seulement ce que cela signifie d’être créé à l’image de Dieu, mais aussi le mandat culturel. Ce peuple croit dans le travail et le commerce.
L’héritage de la sagesse de la Bible, notamment de la Torah par rapport à l’économie parait incontournable dans le développement d’Israël dans beaucoup de domaines, comme la technologie, la médecine et l’agro-agriculture. C’est à juste titre que le Rabbin Ken Spiro souligne :
De fait, les fondateurs de l’Etat d’Israël moderne, même s’ils n’étaient pas religieux, étaient profondément imprégnés de la conviction que le peuple juif tient son héritage de la Bible et que c’est elle qui le relie à sa terre.6
Un retour aux valeurs judéo-chrétiennes
Des valeurs judéo-chrétiennes, telles que définies par l’icône en sciences sociales Max Weber dans son fameux ouvrage L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, 7 ont contribué et peuvent encore contribuer au développement des sociétés. Elles peuvent répondre à des besoins qui rongent des sociétés qui n’arrivent toujours pas encore à se libérer du verrou de la pauvreté.
Le professeur David Landis, rapporté par Darrow, après 50 ans de recherche sur la question pourquoi certains pays sont riches, d’autres pauvres ?, est arrivé à cette conclusion : l’éthique judéo-chrétienne contribue au développement des pays.
Le réformateur Néerlandais Abraham Kuyper arrive aussi à presque la même conclusion. Le problème aujourd’hui c’est que soit nous ne faisons pas assez confiance à cette éthique, elle n’a pas été transmise et comprise, soit nous décidons de l’ignorer ou de pas ne pas l’appliquer tout simplement.
Est-il la faute au christianisme si des pays majoritairement réputés chrétiens, comme par exemple le cas d’Haïti dont plus de la moitié de sa population est réputée chrétienne, croupissent dans le sous-développement ? Au-delà des paramètres du passé esclavagiste de beaucoup de ces pays, de l’exploitation, de l’impérialisme, de la surpopulation, n’avons-nous pas le droit de nous interroger sur notre façon de penser ?
Mieux comprendre notre identité
Nous devons comprendre notre vraie identité en Christ et parvenir à découvrir les principes bibliques pour les adapter à nos contextes respectifs pour changer la donne. Sortons de l’assistanat pour embrasser l’encadrement. Osons dire la vérité aux gens. Comme William Carey l’a si bien dit, tentons de grandes choses pour Dieu et espérons beaucoup de choses de Dieu.
Notre problème aujourd’hui c’est que nous espérons beaucoup trop de choses de Dieu, même parfois des choses irréalistes, sans jamais rien tenter de grand ou rien du tout. Si nous ne tentons rien nous n’aurons rien.
La conclusion logique
Il n’y a aucune contradiction entre les valeurs judéo-chrétiennes ou la vision biblique du monde et le développement ou le progrès. Nous devons nous examiner pour mieux définir notre mode de rapport avec nos sociétés dans une dynamique de réforme radicale.
Brisons cette fausse dichotomie entre vie spirituelle et vie terrestre qui nous ligote, comme l’ont fait d’ailleurs les frères Moraves. Que notre lumière luise devant les hommes. Que le sel ne perde pas sa saveur.
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Pensée essentielle à retenir : La pauvreté de l’esprit ou de la pensée garantit la pauvreté matérielle indépendamment des ressources naturelles disponibles.
Question de réflexion : Sur une échelle de 1 à 5, à quel point développez-vous la faculté de penser dont Dieu vous a dotée ?
Prière profonde : Seigneur, Toi le grand donateur, Dieu rationnel, merci parce que Tu m’as donné la faculté de penser pour changer mes conditions de vie et celles de mes semblables ! Je confesse que je T’ai souvent demandé ce que Tu m’as déjà donné. Je Te prie de me rendre productif et riche dans mes pensées et de me donner du succès dans tout ce que j’entreprends. Tu as prévu pour que je vive bien sur la terre. A partir d’aujourd’hui, qu’il en soit ainsi dans ma vie. Au nom de Jésus. Amen !
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Notes et références
- Données fournies par Darrow Miller, p.7.
- Georges Gilder. Microscosm, cité par Darrow Miller, p. 122.
- Warren T. Brookes. Mind, not money, drives the economy, 1984
- Darrow, p.51
- http://www.terredisrael.com/ISRAEL_populations.php
- Ken, Spiro. La terre promise, cours d’histoire Juive # 5
http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=6
- Les valeurs judéo-chrétiennes (éthique protestante) ayant influencé le développement des pays que Max Weber a évoquées sont : la ponctualité, l’ordre, l’honnêteté, la poursuite de l’excellence, la haine du temps perdu à cause de la socialisation, des bavardages, du sommeil, du sexe et du luxe, la gestion rentable et rationnelle du temps, l’envie pour le progrès, l’amour du travail acharné pour lui-même, l’attention à l’utilisation la plus productive des ressources représentées par le profit, l’aversion pour le plaisir spontané et la croyance en un appel.