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Entre l’anticonformisme et la tolérance: Vocation de l’Évangile

Entre l’anticonformisme et la tolérance: Vocation de l’Évangile, un article pour vous permettre de mieux cerner la portée culturelle de la Bible pour un positionnement plus réfléchi.bible, religion, christianity-879085.jpg

Dans ce monde de plus en plus post-moderne où on a tendance à  tout relativiser, est-il possible d’être à la fois anticonformiste et tolérant ?

Notre perception de la Bible ou de l’Évangile détermine non seulement notre approche de la mission de l’Église, mais aussi la survie, la pertinence, le dynamisme, la réussite ou l’échec de celle-ci.

En effet, la Bible ne nous est pas parvenue avec un contenu culturellement neutre. Elle est imprégnée au départ des cultures dans lesquelles elle a été écrite, transmise, interprétée et comprise, c’est-à-dire la culture asiatique (le Proche et le Moyen-Orient), la culture africaine et la culture européenne.

La dimension culturelle de la Bible rend nécessaire son interprétation, c’est-à-dire l’établissement du pont entre « en ce temps-là » et « ici et maintenant ». Si nous ne parvenons pas à creuser pour comprendre et élucider ce fossé culturel, même l’Évangile peut cesser d’être une bonne nouvelle. Car l’Évangile a été transmis dans un contexte culturel particulier. Dans ce contexte, Howard A. Synder dans The Global Good News écrit :

L’Évangile est une bonne nouvelle globale. Dieu a agi localement en pensant de manière globale. L’Évangile est une bonne nouvelle qui concerne la guérison et la réconciliation personnelle, sociale, écologique et cosmique. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour la création toute entière, pour toute la terre et même pour tout le cosmos.1

L’Évangile et sa forme culturelle

En quoi l’Évangile est-il une bonne nouvelle ? A bien comprendre le point de vue de Howard, l’Évangile est une bonne nouvelle parce qu’il apporte une guérison intégrale et la réconciliation dans les dimensions théologique, écologique ou économique, sociologique ou sociale et psychologique ou personnelle. La capacité de l’Évangile à adresser ces différentes dimensions rend son message tout à fait unique dans le monde. C’est un Évangile holistique à vocation universelle.

Il est aussi important de considérer le fait pour Dieu d’avoir agi localement en pensant de manière globale ; ce qui signifie qu’Il a tenu compte d’un ensemble de paramètres culturel, historique et géopolitique dans sa révélation et la transmission de Son message.

Si l’Évangile a été d’abord communiqué au peuple Juif par Jésus Lui-même, qui était d’ailleurs Juif, et les premiers chrétiens eux aussi Juifs, l’intention de Jésus était de toucher la planète entière. Ainsi, a-t-Il chargé ses disciples de poursuivre son travail dans toutes les ethnies après son départ.

Donc, il revient à nous au 21ème siècle d’établir le pont entre la localité et la globalité pour une meilleure adaptation de l’évangile. C’est à ce point qu’interviennent des disciplines comme la sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie et la psychologie.

Erreur fatale

 L’une des plus graves erreurs que nous commettons très souvent c’est d’arriver à absolutiser ce qui n’est pas absolu et à relativiser ce qui n’est pas relatif. Nous ne parvenons pas à établir la différence entre ce qui est fondamental et ce qui est secondaire, entre ce qui est absolue divin et ce qui est de la tradition humaine ou de la préférence personnelle.

Non, tout ne peut pas être relatif.

Nous nous perdons souvent dans des détails et dans des discussions oiseuses parfois sans issue. Nous avons tendance à placer la Bible au même pied d’égalité avec nos articles de foi ou nos confessions religieuses. Notre incapacité à établir la différence entre ce qui est « parole de Dieu et culture des hommes » nous fait oublier la mission fondamentale.

Nous oublions lamentablement que la Bible reste notre référence, norme suprême et que nos articles de foi sont une interprétation de la Bible. Si la Bible ne doit pas être amendée au gré des hommes, nos manuels si.

Une démarche procédurale inclusive

Une question d’importance se pose : Qui détermine les valeurs chrétiennes ou nos principes ? Sans doute la Bible. Mais il s’agit d’un processus dans lequel nos conducteurs spirituels interviennent forcément. A noter aussi que dans la Bible il y a des vérités implicites et des vérités explicites. Si en lisant un texte biblique, le principe est explicite, il n’y a pas nécessité d’interprétation.

Nous sommes tous dans une démarche procédurale d’interprétation de la Bible avec tous les enjeux qui en découlent. En fonction de l’évolution de nos contextes, de nos besoins et de la nécessité à répondre à des questions importantes, nous sommes amenés à revoir, voire réajustés notre théologie et savoir biblique. Même nos principes théologiques ou bibliques doivent faire objet de révision. Car nous connaissons en partie, nous dit Paul.

Dans nos efforts de comprendre et d’interpréter ce qui n’est pas explicite, il s’avère nécessaire d’inclure toute la communauté des croyants dans le processus. Cette démarche inclusive permet aux principes d’être mieux appliqués et vécus collectivement et individuellement. Il s’agit en fait de la démocratisation du processus d’interprétation et de formulation des articles de foi.

En tant qu’ambassadeurs de Christ, les chrétiens ont un message de salut à partager. Ce partage s’inscrit nécessairement dans une dynamique de contextualisation ; ce qui exige des efforts colossaux.

Le modèle d’incarnation de Jésus

Personne n’a mieux compris les paramètres culturels de son époque que Jésus. En agissant toujours dans le contexte de sa mission, Il était fondu dans la culture des gens au point qu’il a fallu un baiser à Juda pour permettre à ses détracteurs de l’arrêter. Jésus est celui qui a interprété et contextualisé mieux que quiconque le système sabbatique. John Stott écrit :

Jésus nous envoie dans le monde, comme le Père l’a envoyé dans le monde… En d’autres termes notre mission doit trouver son modèle dans la sienne. En fait, toute mission authentique se fait sur le modèle de l’incarnation. Elle exige une identification sans perte d’identité. Elle signifie que nous entrons dans le monde des gens comme il est entré dans le nôtre, mais sans compromettre nos convictions, nos valeurs et nos normes chrétiennes.2

Le modèle d’incarnation de Jésus est un message clair qui nous est aujourd’hui adressé pour incarner le message évangélique. Cependant, à force de vouloir contextualiser le message, nous devons éviter de le dénaturer, l’agrémenter pour le rendre plus savoureux et politiquement correct.  Shane Warren élève sa voix en ces termes :

L’une des plus grandes tragédies de notre temps est le fait d’agrémenter l’Évangile pour le rendre plus savoureux. En agissant ainsi, nous ne prêchons plus du tout l’Évangile, mais plutôt un autre Évangile (2 Corinthiens 4 verset 11). Si nous ne prenons pas garde, nos tentatives d’adapter l’Évangile à notre culture lui ôtera toute sa puissance de changer cette dernière.  A l’inverse, l’enseignement de Jésus peut s’appliquer sans aucun problème à toutes les générations. Il est « le même hier, aujourd’hui et éternellement » (Hébreux 13 verset 8).3

Par contre, faut-il aussi souligner que nous ne devons pas être non plus paranoïaques à force de ne vouloir pas adapter l’Évangile dans notre contexte. L’Évangile est assez puissant pour résister à n’importe quel contexte culturel.

Choc culturel

En lisant la Bible, d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous confrontés à des chocs culturels. Par choc culturel, j’entends : une situation de tension qui se produit à partir de la rencontre, dans le temps et dans l’espace, de deux ou plusieurs entités culturelles.

Avec des lunettes modernes ou post-modernes, notre entité culturelle, nous nous interrogeons sur beaucoup de sujets qui fâchent dans la Bible, comme l’esclavage et d’autres pratiques sociales repérées dans la Torah par exemple. Si nous ne faisons pas des efforts pour comprendre l’entité culturelle du Proche et du Moyen-Orient par exemple, nous pouvons à tort et  à travers accuser la Bible de toutes sortes de maux et nous risquons de faire de l’anachronisme. Avec sagesse, la Déclaration de Lausanne de 1974 soutient :

…L’Évangile ne présuppose nullement la supériorité d’une culture par rapport à une autre, il les évalue toutes d’après ses propres critères de vérité et de justice ; il insiste, dans chaque culture, sur les impératifs absolus de la morale… Les églises doivent chercher à transformer la culture et à l’enrichir pour la plus grande gloire de Dieu.4  

La vocation de l’Évangile vis-à-vis de la culture

L’Évangile n’a pas comme vocation de déterminer si telle culture est bonne ou mauvaise, supérieure ou inférieure par rapport à telle autre. Ni en théorie ni dans la pratique, Jésus n’a jamais demandé à ses disciples ou à quiconque d’autre de rejeter sa culture pour Le suivre. Son message les invitait plutôt à une transformation de vie capable d’agir sur le culturel suivant les principes de son royaume.

Non seulement nous sommes amenés à soigner nos techniques d’interprétation, mais aussi nous devons être capables de fonder nos conviction à partir d’un effort de systématisation de la théologie ou des enseignements de la Bible. En d’autres termes, avec un minimum de retenue, nous devons être en mesure de considérer ce que l’ensemble de la Bible enseigne sur telle ou telle thématique. Un tel travail nous aidera à mieux nous positionner surtout par rapport à de grands débats sociétaux et contemporains.

Par conséquent, deux principes majeurs sont à prendre en compte : le principe de la tolérance et le principe de l’anticonformisme.

Le principe de la tolérance

Le principe de la tolérance consiste à supporter les faibles (pour ce qui concerne les chrétiens)  par motifs de conscience, écouter et débattre avec les autres (pour ce qui concerne les non chrétiens) par amour, avec douceur et respect pour mieux s’opposer et communiquer l’Évangile.

Nous avons tendance à placer tous les chrétiens au même niveau de maturité. Nous oublions qu’ils ne sont pas au même niveau. Certains sont des néophytes, par conséquent immatures, d’autres très anciens, matures et parfois malheureusement immatures.

En réalité, nous sommes tous dans un processus de croissance. Ceux qui sont plus matures doivent faire preuve de tolérance envers ceux qui ne le sont pas encore. Il y a certains éléments sur lesquels nous pouvons transiger par motif de conscience, comme le port des voiles et de pantalon par les femmes chrétiennes, la sainte cène dans une seule ou plusieurs coupes.

La notion de motif de conscience est très importante. Il y a des choses que nous ne faisons pas non parce qu’elles sont mauvaises, mais parce que nous voulons protéger ceux qui sont faibles dans la foi. Le plus important c’est avoir de la conviction. Car, selon Paul, tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché5.

Cependant, par rapport à des sujets qui suscitent de vifs débats dans la communauté des croyants, comme dans une église locale par exemple, nous devons trancher. Notre façon de trancher doit être une décision communautaire à laquelle au final tout le monde s’engage à se soumettre. Par exemple, dans le cas du port des pantalons par nos sœurs chrétiennes, une église, dans un contexte culturel donné, peut décider de les interdire d’en porter, non parce que ce serait un péché, mais parce que le sujet pose un problème communautaire potentiellement susceptible de diviser le corps.

De l’autre côté, envers les non chrétiens, nous devons aussi faire preuve de tolérance. Il s’agit d’avoir la capacité de les écouter et de pouvoir dialoguer avec eux dans le respect. A ce principe, la Déclaration de Lausanne ajoute un bémol :

Nous rejetons toute espèce de syncrétisme et de dialogue qui sous-entend que le Christ parle de façon équivalente au travers de toutes les religions et idéologies, car cela ne donne pas au Christ ni à son Évangile la place qui leur revient.6

Abordons maintenant le principe de l’anticonformisme.

Le principe de l’anticonformisme

Ce principe consiste à ne pas se conformer au système de pensée du monde, mais à examiner toute chose pour retenir ce qui est bon et renverser les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu et à amener toute pensée captive à l’obéissance de Christ.7

L’anticonformisme nous invite à être prudents dans le monde et à évaluer notre contexte culturel pour pouvoir retenir ce qui est bon et rejeter ce qui n’est pas bon. Car, dans toutes cultures, il y a de bonnes comme de mauvaises choses. En d’autres termes, le principe nous invite à faire usage de nos facultés mentales et à développer la pensée critique et créative.

L’anticonformisme est aussi un appel à s’abstenir de toutes formes de mal, à résister, à combattre et à éviter toute forme de convoitise pour vivre une vie qui soit agréable à Dieu.

Notre résistance aux tentations et notre volonté de résister aux éléments culturels qui vont à contre-courant de l’Évangile et de la vérité passe par ce que j’appelle la théorie des 8 passoires.

La théorie des 8 passoires

Se basant sur Philippines 4 verset 8, j’énonce la théorie des 8 passoires en tant qu’un procédé consistant à évaluer ce qui est dit, entendu, vu, proposé et perçu à la loupe de 8 principes ou valeurs bibliques clés : la vérité, l’honorabilité, la justice, la pureté, l’amabilité, l’approbation, la vertu et la louange.

En d’autres termes, nous devons nous poser 8 questions fondamentales pour évaluer la philosophie du monde, notre culture, les enseignements, pratiques et prédications à l’église et surtout quand nous sommes en face à un dilemme moral, une tentation ou convoitise : Est-ce vrai ? Est-ce honorable ? Est-ce juste ? Est-ce pur ? Est-ce aimable ? Est-ce approuvé (par Dieu surtout) ? Est-ce vertueux ? Est-ce digne de louange ?

L’Évangile comme trésor précieux a besoin d’être compris et bien assimilé, sinon il peut être un poison mortel entre les mains de ceux qui le portent. Ainsi, avons-nous besoin que l’Esprit de vérité, l’Esprit de bonne volonté nous soutienne, nous conduise dans toute la vérité et nous rende digne de notre vocation à servir le Dieu vivant et vrai dans un monde d’hostilité.

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Pensée essentielle à retenir : L’Évangile comme trésor précieux a besoin d’être compris et bien assimilé, sinon il peut être un poison mortel entre les mains de ceux qui le portent.

Question de réflexion : D’après vous, quels sont les grands enjeux culturels de notre époque que l’Évangile doit adresser ?

Prière profonde : Le Tout-Puissant, le Dieu de la révélation, merci parce que Tu t’es révélé à l’humanité à travers la Bible, la création et de manière ultime à travers Ton Fils Jésus. Tu veux que je comprenne ton langage. Je Te prie de m’aider à le comprendre et à me concentrer sur ce qui est essentiel.

Aide-moi à être un témoin fidèle de Jésus-Christ dans ma culture et où que je serai dans le futur. Aide ton Église à faire la part des choses entre l’anticonformisme et la tolérance pour que la communication de  ton message soit efficace et puissante. Aide-nous à changer tout ce qui n’est pas en accord avec ta vérité révélée dans nos cultures. Au nom de Jésus je T’en prie. Amen !

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Notes et références

1. Howard A. Synder. The Global Good News

2. John Stott. The Contemporary  Christian

3. Shane Warren. Le rôle de la direction spirituelle dans le discipolat. Ressources pastorales Automne 2016 : Le discipolat : Le mandat oublié, p.7

4. La Déclaration de Lausanne de 1974, extrait du point 10, Évangélisation et culture.

La Déclaration de Lausanne est issue du Congrès international pour l’évangélisation mondiale (CIPEM) à l’initiative de certaines personnalités du monde évangélique comme l’évangéliste Billy Graham et John Stott, qui s’est tenu à Lausanne en juillet 1974 avec une participation de plus de 4 000 chrétiens venus du monde entier. Il s’agit en fait d’un mouvement visant à relier les acteurs clés avec de nouvelles idées pour l’évangélisation mondiale. La Déclaration regroupe 15 points fondamentaux que vous pouvez consulter sur le site du mouvement lui-même.

https://lausanne.org/fr/mediatheque/covenant/la-declaration-de-lausanne

5. Romains 14 verset 23

6. La Déclaration de Lausanne de 1974, extrait du point 3, le Christ unique et universel

7. Le principe est basé sur Romains 12 verset 2, 1 Thessaloniciens 5 verset 21 et 2 Corinthiens  10 verset 5

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