Fondamentalement, l’Eglise du Nouveau Testament, a beaucoup de choses à apprendre aux églises d’aujourd’hui. Voilà pourquoi, je vais étayer mon approche du travail de suivi sur un ensemble d’éléments fondamentaux consignés dans les Evangiles, les Actes et les épîtres.
Soulignons que selon Charles ”Chic” Shaver, dans les Actes il y a au moins 32 cas de suivi et 18 occasions où la notion relative à l’encouragement est affichée.[1] Tout cela montre combien le travail de suivi a été pris très au sérieux. Déjà dans Actes 2 au verset 42, nous voyons que ceux qui s’ajoutaient à l’Eglise ont persévéré dans l’enseignement des apôtres. L’enseignement jouait un rôle prépondérant dans leur vie et leur croissance spirituelle.
Ainsi, le travail de suivi a un fondement particulièrement néotestamentaire qu’il convient de regarder sous plusieurs loupes.
1. A la loupe christique
Jésus est Celui qui définit parfaitement, à travers sa vie, ses enseignements et l’ordre missionnaire qu’il a donné aux disciples, la mission pédagogique de l’Eglise. Au cours de sa courte mission sur terre, Il marchait dans l’amour et l’obéissance à son père. Sa vie même est une pédagogie. Il pratiquait de manière parfaite ce qu’Il prêchait et enseignait. Les valeurs comme l’amour, l’unité, l’humilité, la miséricorde, le pardon et l’esprit de service étaient évidentes dans Sa vie. Il comprenait et incarnait le principe que l’enfant apprend par l’exemple. Il a passé du temps avec ses disciples.
A travers sa parfaite pédagogie, Jésus a bien compris le besoin de l’humain. Il a inauguré son royaume avec un enseignement axé sur le royaume de Dieu et l’amour.[2] Au cours de son ministère parmi les hommes, Jésus n’a jamais perdu de vue la toile de fond de son enseignement. Ses appels sont ainsi formulés: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes.»[3] A bien regarder, ce texte montre que Jésus lance un appel formel aux pécheurs. Il ne se contente pas de les appeler, mais Il leur promet du repos. Il n’est pas fini avec une âme par le simple fait qu’elle vient, mais Il promet haut et fort de l’encadrer. Ce repos est à la fois instantané et continuel.
En parlant à ses disciples bien-aimés, Jésus, comme un homme responsable, un père soucieux, a dit ceci: « […] Je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure.»[4] Ce texte montre qu’il revient à l’Eglise d’aller évangéliser. Dans cette quête d’âmes, Jésus Lui-même la permettra de gagner des âmes. Une condition essentielle pour que ces fruits demeurent c’est qu’ils soient bien encadrés et bien soignés.
Jésus a non seulement appelé ses disciples, mais Il les a aussi encadrés. Il ne se comportait pas en juge ou correcteur, mais en connecteur. Il était plutôt présent avec eux dans des repas, des festins, des voyages, sur la mer agitée, dans des moments d’angoisse et de deuil comme c’était le cas avec Marie et Marthe après la mort de Lazare,[5] etc. C’est uniquement après cet encadrement, des exercices sur le terrain que les disciples allaient incarner la vision de leur Maître par la suite.
L’un des exemples les plus frappants donnés par Jésus du travail de suivi, c’est le fait qu’après sa résurrection Il n’a pas laissé Pierre orphelin, celui qui l’a renié à trois reprises. Il savait que Pierre était déboussolé et sans encadrement. Il s’est souvenu de la semence qu’Il a semée dans le cœur de son disciple. Il allait le fortifier.
En fin, par le fait que cet ordre est complet. Jésus, étant toujours avec nous dans notre encadrement, nous envoie dans le monde pour faire des disciples, pour aller faire connaître son nom en enseignant. Il savait ce que cela signifie d’être un disciple, plus précisément être Ses disciples. Ne laissez pas à la dérive la récolte, mais il faut en prendre soin.
Comme base de ce travail, Jésus demande aux disciples d’aimer et de vivre dans l’unité. Car c’est à ceci que tous connaîtront qu’ils sont dignes d’être Ses disciples. Ils doivent refléter la personne ou l’essence de Celui qui envoie.[6]
Par-dessus tout, regardez cet extrait de son rapport consigné dans la prière dite sacerdotale: «Lorsque j’étais avec eux dans le monde, je les gardais en ton nom. J’ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Ecriture fut accomplie.»[7] Cher lecteur, puisque notre mission consiste à faire des disciples et à les encadrer, à la fin de la journée, pourrons-nous dresser un tel rapport? Quel sera notre bilan de ministère?
Paul, l’apôtre des nations, que ce soit en parole ou en acte, fait aussi le point sur ce ministère.
2. A la loupe paulinienne
En matière de travail de suivi, par rapport aux autres destinateurs du Nouveau Testament, Paul est un champion. Selon Weldon Viertel, Paul passe plus de temps au perfectionnement des nouveaux chrétiens qu’à la conversion des âmes perdues.[8] Par exemple, dans Actes 18.11 nous voyons que Paul est resté à Corinthe pendant un an et six mois afin d’enseigner les nouveaux convertis. A Antioche et à Ephèse, il passa trois ans pour enseigner et exhorter les croyants.
La plupart des lettres Néotestamentaires étaient écrites dans le dessein d’encadrer les âmes des nouveau-nés jusqu’à l’atteinte de la maturité. Dans ses lettres, notamment dans celle adressée aux Chrétiens de Philippe, Paul s’adresse à eux comme un père. Combien est affectueuse et responsable cette expression adressée à ses bien-aimés: « Je vous porte dans mon cœur […]» Aux chrétiens de Rome, Paul, paternellement dit: « Je désire vous voir, pour vous communiquer quelques dons spirituels afin que vous soyez affermis.»[9] Qu’en est-il de son retour à Lystre, à Icone et à Antioche après avoir fini d’évangéliser la ville de Derbe, en compagnie de Barnabas? Luc nous rapporte qu’ils retournèrent dans ces villes en vue de fortifier l’esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi […][10]
Dans des textes comme Colossiens 1.28-29 et Ephésiens 4.11-16, Paul montre que son ministère ne consiste pas seulement à prêcher, enseigner et gagner des âmes. Il était persuadé qu’il avait une dette d’encadrement envers ces âmes gagnées. Il avait un objectif, une cible : arriver à aider ses nouveaux croyants à ressembler en toutes choses à Christ, leur Maître par excellence, sur qui leurs vies doivent être modelées en tout et partout.
En d’autres termes, Paul visait à amener les croyants à la maturité spirituelle.[11] Quand il ne pouvait pas être présent avec et pour les croyants, il engageait d’autres croyants comme par exemple Timothée dans cet important processus d’encadrement. Il avait vraiment l’âme d’un père spirituel, un amour intime et incontestable pour ces néophytes spirituels. C’est extraordinaire !
Paul, comme grand prédicateur et pédagogue, nous montre la nécessité de bien encadrer le néophyte spirituel qu’il considère lui-même comme un bébé spirituel ayant besoin de voir sa foi grandir pour ne pas être flottant et emporté par les fausses doctrines. Il y en a tellement en ce 21ème siècle.
Le néophyte, selon lui, doit croître à tous égards dans une spiritualité profondément authentique. Alors, qu’en est-il de Jean?
3. A la loupe johannique
Jean écrivait pour fortifier la foi des fidèles, les mettre en garde contre de faux courants doctrinaux comme le Cérinthianisme qui se propageait au premier siècle et d’autres mauvaises attitudes comme le diotréphisme. En outre, il décrit de fort belle manière en 1 Jean ce qu’est une chrétienté authentique. Une vie chrétienne normale doit s’asseoir sur l’amour, l’obéissance à la parole et la foi.[12] Jean s’intéresse à l’encadrement des âmes. D’où le ton très pastoral de 1 Jean.
Jean croyait que le croyant doit faire montre d’une conduite chrétienne normale, reflétant la vie du Christ. Même à travers l’Apocalypse, nous pouvons comprendre que Jean voulait affermir la foi des fidèles en plein cœur de grandes persécutions dont ils étaient objet. Donc, Jean, exilé sur l’île de Patmos, n’a pas délaissé les croyants âmes découragées, même quand tous n’étaient pas des néophytes spirituels. Pierre était aussi préoccupé par ce type d’encadrement.
4. A la loupe pétrinienne
Après sa résurrection, à trois reprises, Jésus a dit à Pierre, son disciple: «Prends soins de mes brebis», «Nourris mes brebis.»[13] Cette expression insiste sur la mission de berger, d’encadreur d’âmes ou de pasteur que Pierre allait endosser. Déjà, après le grand miracle de la pêche, Jésus, lui disait: «Désormais tu seras pêcheur d’hommes.»[14]Après sa résurrection, la mission de Pierre est renforcée. Il n’a pas à prêcher en laissant les poissons éparpillés, mais il est appelé à les nourrir. Il est à la fois pêcheur et berger d’âmes, deux fonctions indissociables.
Pierre a joué un rôle fondamental dans l’encadrement de beaucoup de néophytes spirituels comme Corneille, Simon, le réputé magicien,[15] etc. Le cas de ce dernier mérite une attention particulière.
Converti sous l’apostolat de Philippes dans la ville de Samarie, Simon, après avoir été baptisé, restait attaché à Philippes. Témoin de nombreux miracles opérés par le Saint-Esprit à travers son serviteur, Simon a fait rencontre de Pierre et de Jean qui lui ont imposé les mains en vue de la réception du Saint-Esprit. Désireux d’avoir la même puissance, Simon a offert aux apôtres de l’argent.
L’intention de Simon est étonnante. Elle nous enseigne que le Néophyte spirituel, dans son immaturité spirituelle, n’est pas définitivement divorcé avec ses anciennes pratiques, comme je l’ai souligné précédemment. Simon était une superstar à l’époque. Il était un personnage important en raison de ses talents de magicien. Devenu chrétien, il pense que le Saint-Esprit, qu’il a d’ailleurs reçu, peut lui redonner sa visibilité.
L’intention de Simon était pernicieuse. Mais heureusement Pierre était là pour le réprimander sévèrement, lui montrant l’ultime nécessité d’implorer Dieu pour recevoir son pardon. Simon a bien compris la leçon. Alors, pouvez-vous imaginer ce qui aurait pu arriver à ce néophyte spirituel s’il n’y avait pas quelqu’un de mature comme Pierre pour le redresser sur le champ? J’imagine que vous commencez maintenant à comprendre la raison pour laquelle il ne faut pas un néophyte spirituel à la merci des circonstances.
Je considère pour clore cette section une dernière loupe.
5. A la loupe de l’épître aux Hébreux
J’insiste sur Hébreux 5.11-14. Dans ce texte, l’auteur constate une grande faiblesse spirituelle chez les croyants, un manque de croissance spirituelle malheureuse, indépendamment du nombre de temps qui s’est écoulé après leur conversion. L’auteur dit expressément que ces croyants sont lents à comprendre, alors qu’ils devraient être des maîtres, s’adressant évidement à des judéo-chrétiens.
Par rapport à ce texte, la remarque à faire est qu’un croyant peut vieillir dans l’Eglise sans jamais être mature spirituellement. Les croyants sont au lait, sans expérience de la parole de justice. Face à cet état de fait déplorable, l’auteur sent qu’il doit faire quelque chose. Ainsi au chapitre 6, exhortant les croyants à renoncer aux œuvres mortes, il donne un projet d’enseignement, une possibilité d’affermir leur vie afin de les amener à la croissance spirituelle en y donnant un fondement solide et correcte si toutefois Dieu le permettrait.
Au travers de toutes les loupes que je viens de considérer, je suis emmené à comprendre que l’encadrement des âmes a été très pris au sérieux au premier siècle. C’est une affaire à la fois cruciale et délicate. Il doit être l’affaire de l’Eglise, ayant l’ultime obligation de penser à l’encadrement systématique du néophyte spirituel le plus tôt possible. Car c’est l’un des éléments qui constituent un socle incontournable de toutes églises qui voudraient jouir constamment et sérieusement d’une bonne santé pluridimensionnelle.
Cependant, force est d’admettre que ce fondement peut bien contenir des limites et des insuffisances. En fait, les loupes considérées nous donnent une idée du mode de traitement que les néophytes spirituels ont reçu au premier siècle et comment Jésus lui-même, à partir du Grand mandat légué, voyait la question de suivi. L’essence est noble.
Ainsi, dans le cadre de ce travail, j’essaie de passer en revue plusieurs théories dont certaines d’entre elles ont été effleurées dessus. Par exemple, des théories[16] ayant rapport à la pré-natologie, à la néonatologie,[17] à la psychopédagogie dont celles de Piaget, d’Erickson et de Sigmund Freud m’intéressent dans le cadre de ce travail.[18] Ces théories, avec des approches nuancées, montrent que l’éducation de l’enfant commence dès le sein maternel et que les premières expériences au sein de la famille jouent un rôle considérable dans la formation de la personnalité de l’individu. De ce point de vue, il faut commencer de très tôt à encadrer le bébé ou l’enfant en y apportant des soins appropriés.
En somme, toutes ces théories ont des limites par rapport à notre champ d’étude. Elles ont comme objet des bébés biologiques. Par analogie, elles m’aident à expliquer le phénomène et comprendre la complexité de l’être humain. Toutefois, j’adopte la pré-natologie et la néonatologie comme fondement théorique explicatif ou analogique, sans ignorer les autres. La pré-natologie s’explique dans le contexte de l’évangélisation, c’est-à-dire le mode de présentation de l’Evangile en termes d’influence qu’elle peut exercer sur l’évangélisé et la Néonatologie par rapport aux soins qu’il faut apporter aux néophytes spirituels et les dangers qui peuvent s’ensuivre en cas de négligence.
Cet article est tiré de mon ouvrage Une pédagogie chrétienne adaptée aux néophytes spirituels, version revue, augmentée et corrigée, disponibles sur Amazon en version brochée et électronique.
[1] Charles’ Chic’’ Shaver’’. Conserve the converts, Kansas, Missouri, 1976, pp. 11 et 12
Les données sont traduites de l’anglais. En voici le texte: in Acts, there are at least 32 follow-up instances and 18 occasions where the related concept of encouragement is displayed. L’auteur donne d’autres références comme : Actes 14.21-22; 9.26-27; Philippiens 1. 6.7.
[2] Matthieu 5, 6,7
[3] Matthieu 11. 28-29
[4] Jean 15.16
[5] Luc 10.38-42; Jean 11
[6] Jean 13.34-35 ; 17. 21-23
[7] Jean 17.12
[8] Weldon Viertel E., p. 120
[9] Romains 1.11.Cf. 1 et 2 Thessaloniciens.
[10] Actes 14.21, 22
[11] La maturité dont il est question surtout dans les épîtres pauliniennes, selon Gene Getz, est caractérisée par l’amour, la foi et l’espérance. Pour s’argumenter, il fait une étude approfondie d’un ensemble de textes tirés des épîtres aux Hébreux, aux Colossiens, aux Thessaloniciens, aux Ephésiens, aux Philippiens et de la première épître à Timothée (p. 80). Toutefois, force est d’admettre que ce ne sont pas ces seuls critères de mesure qui existent.
[12] 1 Jean 2.3-6 ; 5.1-13
[13] Jean 21.15 et 16
[14] Luc. 5.10
[15] Actes 10 ; 8. 1-25
[16] Karen Huffman, et al, dans «Psychologie en directe », concluent avec modération qu’aujourd’hui, vue la complexité des comportements humains, les psychologues modernes optent généralement pour une « approche éclectique » leur permettant de glaner dans chacune des théories et dans chacune des méthodes proposées les éléments qui leur paraissent adaptés à chaque cas particulier (p. 53).
[17] La néonatologie ou la médecine néonatale est une branche du domaine de la science médicale, notamment de la pédiatrie. Elle s’occupe des soins apportés aux nouveau-nés (varié entre la naissance au douzième mois). Cf. http://www.babyfrance.com/maman/la-neonatologie.html;
http://www.universalis.fr/encyclopedie/naissance-neonatologie/; consulté le 05 Janvier 2013.
[18] Freud privilégie une approche psychosexuelle et Erikson une approche psychosociale sur la notion de stades.
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