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Haïti : 1804-2022, une histoire inspirante, mais occultée

haiti, flag, map-5323242.jpgHaïti : 1804-2022, une histoire inspirante, mais occultée, un article écrit à l’occasion des 218 ans de  l’indépendance d’Haïti comme contribution à la cause du peuple haïtien.

Quelque temps de cela, je me suis rendu dans une direction d’école dans un pays africain. En face de moi, sur le mur était affiché un petit tableau intitulé : Les grandes figures de la lutte pour la liberté de l’homme noir. En haut, à gauche, la première personnalité présentée est Frederick Douglas (1818-1895).

J’étais très curieux de dévorer des yeux le tableau jusqu’à la dernière figure à la recherche de Dessalines et de Toussaint, et par malheur, de Christophe et de Pétion. Je me suis dit que l’un d’entre eux doit forcément se trouver dans cette galerie des héros qui défendaient la cause des noirs dans le monde.

En bas, à droite, la dernière personnalité est Nelson Mandela. A la vérité, toutes les figures présentées ont leur place dans le tableau, comme Thomas Sankara par exemple. Mais, à ma grande stupéfaction, aucun des héros d’Haïti (de Saint-Domingue) n’y figurait. Au fond de moi grondait une grande colère.

A un certain moment, je tentais de questionner l’un des responsables de l’école présents sur la grande absence des valeureux esclaves de Saint-Domingue venus de force dans des conditions infrahumaines d’Afrique, eux qui ont battu l’armée la plus puissante de l’époque. Mais je me suis retenu. Je ne l’ai pas fait. Mais sur mon visage ma déception était bien palpable et si grande. Je me suis dit : pourquoi la bataille de Vertières et l’épopée du 1er Janvier 1804 sont-elles occultées à ce point sur la terre même de nos ancêtres ? Leur cause était-elle tout simplement pour les esclaves de Saint-Domingue ou également pour les peuples noirs opprimés de l’humanité ? Dessalines était-il si pervers, insolent et tyrannique, comme nous le présente l’Occident, au point que son histoire n’est pas digne d’être racontée aux fils et filles d’Afrique ? Mon choc était tellement grand, arrivé à la maison, je ne pouvais m’empêcher d’en parler à mon épouse.

Sans vouloir remettre en question aucun système éducatif africain et le système haïtien non plus, malgré mes droits, je me demande encore combien de petits Dessalines, de petits Toussaint et de petits Christophe qui sommeillent parmi les peuples noirs à cause de la volonté manifeste et perverse de quelques-uns de présenter et de faire d’Haïti un mauvais exemple à suivre pour les peuples opprimés. Oui, ils ont réussi leur coup. Haïti, 1er janvier 1804, c’est une histoire vraiment occultée.

On reproche souvent aux Haïtiens de ne s’accrocher qu’à leur passé historique sans faire de leur histoire un allié au tourisme, au développement et à la liberté holistique. Ce narratif fait écho et école puisque bon nombre d’Haïtiens s’en foutent pas mal du 1er Janvier. Bonne fête d’indépendance devient une expression grossière à répéter, un rappel historique de mauvais goût et un très lointain souvenir.

Non, les défis et vicissitudes auxquels le peuple haïtien est confronté et soumis ne doivent en aucun cas déraciner les Haïtiens de leur histoire, origine et culture. Au contraire, notre histoire devrait être racontée comme un conte de fées dans toutes les écoles, les familles, les universités, les chaînes de télévision et rues d’Haïti et du monde.

L’histoire d’Haïti doit être comme un phare dans la nuit qui nous guide vers l’idéal dessalinnien. Etre Haïtien n’est pas une honte, mais plutôt une identité dont il faut être fier. Toutefois, toute notre fierté ne doit pas se fonder sur la prouesse et la bravoure inestimable de nos ancêtres. Avec l’aide du Tout-Puissant, ils ont marqué leur temps. Ils se sont défoncé pour défendre une juste et noble cause dans laquelle ils croyaient jusqu’à la mort.

citadel la ferrière, fortress, military-1171942.jpgMalheureusement, 218 ans après, nous n’avons pas fait mieux que nos héros. Nous crachons au contraire sur les monuments qu’ils ont dressés, les symboles et patrimoines qu’ils nous ont légués, le mouvement qu’ils défendaient et leur vision de faire d’Haïti un pays où il fait bon de vivre et une vraie terre de liberté. Notre génération ne peut oser s’identifier à aucun projet contemporain viable de société, à aucune prospection et à aucun plan de développement. Dans 100 ans, les prochaines générations risquent malheureusement de faire le même constat que je suis en train de faire, si toutefois la vapeur n’est pas radicalement renversée. Justin Lhérisson nous a donné des pistes pour cette Haïti dont nous rêvons et pour laquelle nous devons nous battre sur tous les fronts sans ménager nos efforts.

Pour le pays et pour nos pères, formons des fils, formons des fils libres et prospères. Voilà les mots forts que nous lisons et chantons allègrement dans la troisième strophe de notre magnifique hymne national, la dessalinienne. Telle est la mission que toutes nations dignes et conséquentes devraient se donner. N’est-ce pas ce que l’ancien homme d’Etat exceptionnel Sud-Africain, Nelson Mandela, voulait insinuer quand il disait : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde»?

Malheureusement, en ce 21ème siècle, c’est encore pour nous, la première république noire indépendante du monde, un idéal, une simple rêverie. Nous préférons délibérément, pour la plupart de nos dirigeants, utiliser l’ignorance, l’analphabétisme, la mauvaise gouvernance, l’obscurantisme et le banditisme pour changer le fils et la fille d’Haïti Chérie en gangsters, en des ratés sociaux, en des démunis, en des laissés-pour-compte, en des affamés, en des apatrides et en des antinationalistes au profit de l’avarice et de la cupidité.

Le fils et la fille de l’Ancienne Perle des Antilles détestent à mort la terre de liberté qui les a vus naître faute d’encadrement. Ils ne nourrissent qu’une pensée : quitter par tous les moyens possibles ce territoire infernal, torride et « maudit ». Leur rêve d’une vie paisible, de bonheur, de bien-être et de prospérité est étouffé dans l’œuf faute d’un leadership transformationnel et d’un système éducatif équilibré et adapté.

Mais, dans tout ce déboire existe un faible reste, un échantillon qui refuse de céder à la peur, à l’émigration, à la pauvreté abjecte, à l’aliénation, à la violence et à l’analphabétisme. Ce faible reste regroupe tous les citoyens, à l`intérieur comme à l`extérieur,  qui assument leur responsabilité envers la patrie dans les actes qu’ils posent et tous les métiers qu’ils exercent. Ce faible reste est tous ceux qui refusent de croire qu’Haïti est voué à la damnation et à la pauvreté ou au sous-développement. C’est tous ceux qui refusent d’être complices de la misère, de l’injustice, de la corruption, de l’insalubrité et de la méchanceté. C’est enfin tous ceux qui disent : oui, il faut une autre bataille de Vertières, un autre 1er Janvier.

Vous pouvez faire partie de ce faible reste qui se lève comme un petit David pour affronter les géants de notre chère patrie commune. Levez-vous pour former avec professionnalisme une nouvelle classe de fils et de filles d’Haïtiens et d’Haïtiennes, une nouvelle génération capable de relever nos défis les plus fous pour nous conduire sur la voie du développement durable. Bref, une nouvelle élite consciente de sa vocation dans le sens de Jean Price Mars du terme,  responsable, patriote et ouverte sur le monde.

Les fils et les filles d’Haïti ont été créés à l’image et à la ressemblance du Créateur au même titre que tous les enfants du monde entier. Par conséquent, ils sont dotés d’intelligence, d’imagination et du libre arbitre. Ils sont des êtres responsables, capables de prendre part activement aux affaires de la Cité. Ils peuvent inventer, innover créer, organiser, développer et transformer.

A vous qui faites une petite tâche, faites en sorte qu’elle soit noble, peu importe votre secteur et appartenance. La route pour sortir Haïti de ses miasmes est longue, mais cela en vaut la peine de poursuivre votre noble mission. L’océan de problèmes du pays peut vous faire perdre tout espoir de changer quelque chose. Mais, concentrez-vous sur votre humble contribution. Car la somme des bonnes contributions de chaque Haïtien et Haïtienne, à l`intérieur comme à l`extérieur du pays, peut changer les choses, même si cela prendra du temps.

A tous les Haïtiens du monde entier, bonne fête d’indépendance !happy new year, 2022, greeting-6838220.jpg

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