Allez, faites de toutes les nations des disciples […] et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit […] Matthieu 28.19, 20
LA DELICATESSE DE L’ENCADREMENT DES NEOPHYTES SPIRITUELS
Plus les sociétés évoluent, plus les leaders chrétiens ont la responsabilité d’adapter l’enseignement biblique aux besoins des hommes et des femmes de tout âge. En main de maître, Francis Schaeffer a souligné: «Le monde actuel étant en constante évolution, nous avons à bien connaître les fluctuations de ses modes de penser. Autrement les principes immuables du christianisme risquent de tomber dans des oreilles de sourds. »[1] Cette responsabilité de transmettre droitement les normes bibliques est considérable et rude.
La mission pédagogique donnée par Jésus à l’Eglise a comme sujet, comme cible l’homme, l’être le plus complexe de toute la création de Dieu. L’être humain est complexe tant dans son essence que dans ses actes. L’interpréter, lui donner une signification n’est pas chose facile.
La quête d’interprétation de l’humain a fait et fait encore objet de très nombreuses discussions parmi de grands philosophes de tous les âges; qu’il s’agisse de Jean-Jacques Rousseau qui pense que la nature humaine est perfectible, de Karl Marx pensant que l’homme est essentiellement social et de Descartes définissant l’homme comme une «chose qui pense »[2]. Cette liste n’est qu’indicative.
La Bible pour sa part, sans ignorer les dimensions sociologique, économique, psychologique de l’homme, sa capacité de raisonner, de transformer son espace, de réaliser de grandes choses, montre que l’humain a en lui l’image de Dieu[3], laquelle image est détériorée par le péché. Dans ce cas, l’être humain a une dimension spirituelle. Le prophète Jérémie, sous l’inspiration du Saint-Esprit, soutient: «Le cœur de l’homme est tortueux par-dessus tout et il est méchant : qui peut le connaître? »[4] Cette dimension spirituelle n’amoindrit pas pour autant la tâche. Pour répéter Jacques Cuerrier, l’homme demeure une énigme pour l’homme […][5]
La tâche du pédagogue chrétien n’est pas une mince affaire. En dépit de cette complexité, ce changement perpétuel qui caractérise l’humain, l’un des mandats de l’Eglise consiste à lui transmettre une vérité fondamentale: Jésus l’aime d’un amour incommensurable. La manière de transmettre cette vérité et la philosophie pédagogique adoptée sont déterminantes. Ce Jésus convie l’humain à une transformation réelle et profonde de son être en état de rébellion. Réussir à atteindre cette cible par la vertu et l’attirance du Saint-Esprit, l’humain se trouve confronté à de nouvelles valeurs et à une autre forme de pensée. Bref, il est en face d’une autre vision du monde.
Dorénavant l’échelle de valeurs du nouveau régénéré doit subir une modification progressive. L’ancienne pyramide des valeurs est sombrée dans son fondement et doit être inversée jusqu’à faire disparaître radicalement des valeurs mondaines. Ses priorités ne doivent plus être les mêmes comme avant et ses anciennes lunettes doivent être tombées. Il doit voir le monde à partir de la perspective de Dieu, tel que Dieu le voit puisqu’il est participant de la nature divine.[6]
Dans ce processus de transformation de vies, il revient à l’Eglise d’inculquer une cosmovision biblique des choses à ceux qui viennent abreuver leurs âmes à la source de vie. Cette nouvelle philosophie que l’Eglise propose à l’être humain est quasiment impossible et ne trouvera pas une bonne piste d’atterrissage et un point d’appui solide sans développer une vision correcte de l’être en question. Dans cette veine, le docteur Raymond Girard soutient ceci: «Il y a concordance, consciente ou non, semble-t-il entre la vision qu’on se fait de l’être humain et le comportement que l’on adopte à son égard, entre l’image qu’on s’en fait et ce qu’on veut obtenir de lui, entre aussi l’image qu’on se fait de soi-même et notre façon personnelle d’être avec les autres.»[7]A bien regarder, cette avancée teintée de psychologie du développement humain de Raymond est plus qu’un conseil judicieux, mais une mise en garde adressée aux pédagogues chrétiens qui s’engagent dans le ministère de l’enseignement au sein de l’Eglise du Christ, le pédagogue parfait. Entendons-nous: quelle image votre Eglise a-t-elle de l’être humain ?
En tendant la main à cette connaissance de l’humain pour une pédagogie chrétienne adéquate et un apprentissage réussi, l’Eglise a aussi comme devoir, par ses organes, de développer et de transmettre, de manière structurante, une conception anthropologique biblique, chrétienne correcte axée sur le Christ comme une porte tournant sans cesse sur ses gonds.
Encore une fois, Jésus veut se servir de leaders compétents et intègres pour lancer une invitation noble, à nulle autre pareille aux déchus de notre siècle: Oh, homme, venez communier personnellement avec ton Dieu créateur! Par la suite, l’Eglise a pour mission d’alimenter la foi des croyants en les aidant à grandir dans leur nouvelle expérience afin qu’ils produisent des fruits dignes de la nouvelle naissance.
L’individu, avant sa régénération, avait un «schéma théologique» qui le guidait, à partir duquel il interprétait les événements de la vie sociopolitique, économique, intellectuelle et naturelle de son environnement. Acceptant Christ comme Maître et Sauveur, il fait une toute autre expérience; l’expérience d’une nouvelle relation dans laquelle il est appelé à grandir indéfiniment. Car le processus de croissance et de maturité dans la foi chrétienne s’étale sur toute la vie chrétienne. Même quand le croyant ajoute à sa foi la connaissance exacte de l’Evangile, il n’arrivera jamais à un niveau de maturité où il n’aura plus besoin de grandir dans la foi, dans l’amour et dans la connaissance du Fils de Dieu.
LA PROBLEMATIQUE DE L’ENCADREMENT DES NEOPHYTES SPIRITUELS
Beaucoup de leaders évangéliques n’arrivent pas à comprendre adéquatement l’expérience de foi dans laquelle le néophyte spirituel s’engage. Ils n’arrivent pas à le situer et bien comprendre son ancienne appartenance sociale, religieuse et autres, voire le rejoindre dans ces dites réalités. Evidemment ils passent outre de leur vocation essentielle.
Fraîchement régénéré, le croyant continue de manière consciente ou inconsciente à adopter certaines pratiques découlant de son ancienne souche. Le néophyte spirituel n’a-t-il pas encore sur son dos d’autres charges, quoiqu’il ait trouvé du repos en Jésus ? Le néophyte spirituel a grandement besoin de divorcer radicalement avec ses pratiques continues, contraires à sa nouvelle foi chrétienne.
Comment le néophyte spirituel, dépendamment de son ancienne souche religieuse par exemple, peut-il réussir à rejeter ses pratiques de pèlerinage, vaudouesques ou superstitieuses, à remettre sérieusement en question ses connaissances mythologiques, mystiques, certains contes et tabous dangereux? Comment peut-il gérer ses anciens groupes et couper le pont avec son passé de pécheur? Comment ses expériences dans la foi peuvent-elles être enrichissantes et positivement contagieuses? Comprend-il l’acte de conversion qu’il a posé? Arrive-t-il à saisir les implications du salut, cette nouvelle vie reçue? Sur quoi sa foi en réalité est-elle construite? Comment en réalité l’Evangile lui a été communiqué au départ ?
A ces questions, deux auteurs nous éclairent sur la foi. Jean Guy Couture, Evêque de Chicoutimi, donne la description suivante: «La foi est beaucoup plus qu’un savoir; c’est une vie, une expérience de vie; c’est une connaissance, oui, mais la connaissance de quelqu’un surtout, la rencontre de quelqu’un qui appelle à la communion.»[8] Alister McGrath quant à lui soutient: «La foi chrétienne n’est pas seulement une affaire de sentiments ou d’émotions; elle concerne aussi des dogmes. Croire en Dieu ne se limite pas à l’aimer, à l’adorer et à lui faire confiance. C’est également accepter certaines vérités qui servent de support à l’amour, à l’adoration et à la confiance qui lui sont voués.»[9]
La foi, engageant la tête et le cœur, selon ces deux avancées un peu nuancées des deux auteurs, débute avec une qualité de vie et des exigences. Or, beaucoup de croyants ne peuvent pas construire une réflexion à propos de cette foi. Cette dernière est parfois comprise et présentée comme si elle était déraisonnable, vide de sens ou encore un saut dans l’irrationnel. N’assiste-t-on pas à un obscurantisme aigu, un conformisme aveugle, un dogmatisme impuissant, desséchant et dangereux à cause desquels les croyants se trouvent les deux bras balancés, le cœur chaud et la tête creuse devant quiconque leur demande la raison de leur foi? L’expérience de la nouvelle naissance est une décision marquant le commencement d’une nouvelle vie de foi en Jésus-Christ.
Cette nouvelle vie n’est pas née à partir d’un savoir livresque ou d’un pur intellectualisme ni du néant, mais d’une foi solidement exercée autour d’une bonne compréhension de la décision fraîchement prise; ce qui, en fait, entre dans le processus de croissance du néophyte spirituel et dans l’enrichissement de son expérience avec le Christ. C’est sur ce dernier, l’imitateur parfait, que la vie du néophyte spirituel doit être modelée et construite.
Alors, comment une église peut-elle réussir à accompagner le néophyte spirituel afin de l’aider à intégrer les nouvelles informations auxquelles il est confronté? Une Evangélisation inintelligente, mal présentée, dépourvue de tacts et au contenu vide peut-elle contribuer à construire le caractère du chrétien? Que se passe-t-il dans la suite quand les néophytes spirituels sont victimes d’un mauvais début? Selon l’approche d’Erickson, la construction de la personnalité de l’individu va au-delà des premières semaines.[10] Bien que ce soit un autre domaine, ne vaut-il pas la peine de nous demander : est-ce que l’Eglise est véritablement consciente qu’elle s’engage dans une construction de personnalité par rapport surtout aux néophytes spirituels dont le début exige une attention soutenue?
Souvent l’enseignement que certains responsables donnent aux néophytes spirituels n’est pas le produit de profondes réflexions. Ils n’arrivent pas à construire la vie chrétienne des néophytes spirituels à partir d’un enseignement valablement et fidèlement transmis. Ce fait me porte, par analogie, à projeter mes regards sur la psychologie prénatale.
Selon Isidro et Herminia, grâce à la psychologie prénatale, non seulement on a découvert les influences négatives susceptibles d’avoir une incidence sur le fœtus, mais on a aussi étudié les influences positives.[11] Certains penseurs en la matière soutiennent l’idée qu’une bonne éducation physique et psychologique dès le premier instant de la conception et même bien avant favorisera et renforcera les aspects positifs. L’enfant pourra venir au monde avec un bagage psychique qui favorisera le développement harmonieux de son caractère et de sa personnalité.
Cette branche de la science psychologique nous offre une bonne dose pouvant, avec toutes les réserves nécessaires, aider à comprendre et expliquer les influences que le mode de présentation de l’Evangile peut avoir sur l’évangélisé même après sa conversion. La manière de transmettre l’Evangile aux non chrétiens et le traitement qu’ils doivent trouver immédiatement après leur conversion dans le corps de Christ n’influent-ils pas sur leur vie chrétienne? N’est-ce pas à ce niveau que la reproduction sera de meilleure ou de mauvaise qualité?
Les nouveaux régénérés sont appelés à avoir en eux les sentiments qui étaient en Jésus. La pensée de Jésus doit imprégner leur esprit et leur être tout entier. C’est cette tâche immense qui devrait être effectuée de manière calculée par l’Eglise pour que leur «champ phénoménologique[12]» sur le plan biblique soit solidement construit.
Un peu partout, dans les médias comme dans les églises, l’appel aux croyants à imiter Christ n’est pas moins lancé. Beaucoup de leaders les exhortent parfois avec force à avoir en eux les sentiments qui étaient en Jésus sans pour autant parvenir à les définir vraiment. Le pire c’est que le mode de vie même de beaucoup d’anciens de l’église et responsables par rapport aux néophytes spirituels révèle d’un manque d’intégrité de caractère. Le nouveau-né biologique, d’après la théorie de Bandura, s’apprend par observation. Cela est aussi vrai pour un nouveau-né spirituel. Ce sont les anciens croyants qui devraient rendre Jésus visibles dans leur mode de vie.
Le néophyte spirituel a besoin d’une vie de communauté ecclésiale pouvant favoriser sa croissance et son épanouissement. James F. Engel souligne: « La croissance spirituelle est difficile si nous sommes seuls à la vivre. Dieu a créé son Eglise, le corps de Christ, pour nous fournir la structure de soutien dont nous avons besoin. »[13] Pour ainsi dire, l’accompagnement du néophyte spirituel doit être un engagement de première main. Car, la maturité ne peut pas être automatique ou ne va pas tomber du ciel. A Rick Warren d’affirmer: « Un membre intégré n’est pas forcément un membre mature. »[14]La communion dans la communauté des croyants à laquelle le néophyte spirituel se joint joue un rôle vital.
Le néophyte spirituel, dans sa nouvelle expérience en Christ, quoiqu’il fasse partie bon gré, mal gré d’une assemblée, souvent celle-ci ne lui fournit pas des éléments nutritifs efficaces pour sa croissance holistique. Une telle communauté ne l’inspire pas confiance et maturation dans la foi. Or, les expériences des autres croyants lui devraient être d’une grande utilité.
Le rôle primordial que joue l’expérience dans le façonnement du néophyte spirituel en Christ n’est pas souvent mis en exergue; ce qui fait qu’il n’arrive pas à construire sa propre expérience pour arriver à une compréhension plus haute de la réalité qu’il confronte.
Néanmoins, le néophyte spirituel dans sa relation avec Jésus ne crée pas les normes. Ces dernières ont été préparées d’avance par Dieu[15], contrairement à Jean-Paul Sartre, cité par Jacques Cuerrier, qui essaie de montrer que, par-delà l’absurdité de l’existence humaine sans Dieu, l’homme possède la totale liberté, d’où l’entière responsabilité de se faire, c’est-à-dire de se constituer en projet.[16]
Le néophyte est appelé à faire ou vivre une expérience dans laquelle le Saint-Esprit le soutient. C’est bien sûr ce qu’Engel tente d’expliquer quand il souligne: « Les gens viennent à Christ dans un premier temps et deviennent des chrétiens mûrs par une série de décisions spirituelles dans lesquelles Dieu et le communicateur tiennent des rôles complémentaires. »[17] Il faut une coopération divino-humaine, c’est-à-dire la participation de Dieu et celle de celui qui présente et enseigne l’Évangile dans le processus de développement de l’individu régénéré.
Des croyants, une fois convertis, sont très souvent sans orientation soucieuse et sérieuse au début d’une vie difficile et immature. Il n’y a pas une facilitation et une incitation à grandir. Dans certains cas, c’est plutôt le communautarisme ecclésial au lieu de communauté ecclésiale qui est trôné. En d’autres termes, il n’y a pas vraiment un sentiment d’appartenance à l’église, la chaleur de vivre ensemble, suivant le principe d’unité qui devrait régir la communauté des fidèles.
Ils sont nombreux ceux-là qui ignorent qu’il est possible que le croyant abandonne l’Eglise quand celle-ci ne lui procure pas d’encadrement nécessaire. Les néophytes spirituels n’ont-ils pas été réellement convertis quand ils abandonnent? Est-ce toujours le cas? Dans bien des cas, n’est-ce pas plutôt les églises ou ceux qui partent à la conquête des âmes qui n’ont jamais compris leur tâche envers les néophytes spirituels?
N’est-il pas tout à fait facile que le doute et même la déception, voire le vide intérieur se substituent à la foi quand on finit par réaliser que ses attentes ne sont pas comblées par la suite?
Néanmoins, il est de bon ton de poser le problème de la conversion.[18] Tous ceux qui font apparemment acte de conversion ou qui se disent croyants peuvent ne pas l’être tous en réalité. Faut-il pour autant conclure hâtivement que ceux qui abandonnent n’étaient pas des nôtres? Qu’est-ce qui explique un naufrage spirituel?
En conséquence, une mauvaise intégration ou une intégration faible, soutenue par une solidarité faible dans une église n’a-t-elle pas une conséquence fâcheuse sur toute la vie du néophyte spirituel? La perspective des psychanalystes comme Sigmund Freud,[19] accordant toute une place centrale au rôle formateur des premières expériences, en particulier les premières expériences au sein de la famille, concorde parfaitement avec la réalité des néophytes spirituels faisant partie d’un nouveau corps, d’une nouvelle famille. Selon cette même perspective, les 5 ou 6 premières années de la vie constituent une sorte de période sensible, un creuset dans lequel se forge la personnalité de l’individu.
Malheureusement, au cours des premières semaines ou des premiers mois, voire durant toute sa vie, dans bien des cas, le néophyte spirituel est livré aux circonstances de la vie. Dans un tel cas, ne meurt-il pas entre les mains même de sa propre mère, à savoir l’église, depuis le moment où celle-ci a commencé à l’évangéliser ou depuis le jour où il fréquente l’assemblée des fidèles? Ou, est-ce que la moisson, c’est-à-dire gagner l’âme pour Christ est une fin en soi?
James Kennedy élève en ces termes la voix: « Allez vers les autres avec l’évangile n’est que le commencement. Un disciple c’est quelqu’un qui suit Jésus-Christ en agissant dans son Eglise, en croissant en maturité spirituelle et en amenant d’autres personnes au Seigneur. »[20]
L’Eglise est appelée à faire des disciples. Tous les chrétiens doivent témoigner de leur foi, mais comment y parvenir s’ils ne sont pas formés et bien édifiés? La croissance d’une église est le signe qu’une Evangélisation a bien eu lieu, selon Engel.[21] Cette approche, quoique un peu radicale, mérite notre attention.
Il est important de comprendre que les gens viennent à Christ au travers d’un processus spirituel et que tous ceux qui sont évangélisés ne sont pas au même niveau quant à la connaissance de l’Evangile.[22] Accepter Christ comme Sauveur ne constitue qu’une étape. Cette étape qu’est la conversion est importante dans la vie de l’individu. La décision doit provenir d’un besoin réel de changement. Or, beaucoup de leaders ne tiennent pas compte de cet élément fondamental. Abraham Maslow[23], dans son échelle des besoins, montre que tant que les besoins primaires ne sont pas satisfaits, les autres besoins ne le seront non plus.
Ce fait correspond à l’attitude affichée par des responsables vis-à-vis des évangélisés et de ceux qui se joignent à eux. Ils ne pourvoient pas à leur besoins primaires. Ils oublient que l’Eglise doit être bien organisée et administrée en créant une ambiance d’amour véritable et de communion fraternelle. Pour certains, c’est la longue liste des croyants qui compte.
Christian A. Schwarz,[24] soutenant l’insuffisance de la croissance numérique comme critère d’évaluation d’une église, découvre que huit(8) critères de qualité s’avèrent essentiels pour assurer une qualité spirituelle et contribuent au développement d’une église, à savoir : les responsabilités déléguées, le service selon les dons, la spiritualité enthousiaste, les structures efficaces, les cultes édifiants, les groupes de maison, l’Evangélisation adaptée et les relations amicales.
C’est clair que quand l’approche du ministère d’une église n’est pas équilibrée, c’est-à-dire quand le schéma du ministère[25] n’est pas cerné, il y a des empiétements. A ceci, Weldon E. Viertel souligne cette grave erreur qui est malheureusement un fait: « Les églises ont consacré la plus grande partie de leur effort d’évangélisation à enseigner aux chrétiens comment témoigner. Peu d’efforts ont été faits en vue d’enseigner les chrétiens à entourer et à guider les nouveaux croyants dans la croissance spirituelle. »[26] Ce mal ronge nos églises.
Alors, une carence d’encadrement des néophytes n’aboutit-t-elle pas à une église sans repère et vision? Beaucoup de dirigeants limitent la croissance, n’étant même pas conscients du but précis que doit poursuivre chaque croyant, à la prédication du dimanche matin, à des jeûnes et quelques rares études bibliques parfois mal planifiées et à des programmes sans trop fin utiles, sans pouvoir répondre à la question : pour qui et pourquoi faisons-nous ce que nous faisons?
Dans une large mesure, des responsables de nos églises sont conscients de la fragilité spirituelle des néophytes spirituels. D’ailleurs, au moment même où les individus passent par le changement de camp, ils ont tendance à leur affirmer que le chemin de la croix dans lequel ils décident de marcher est périlleux et épineux, ce qui est indéniable dans la pensée du Christ par rapport au royaume. Ils ne cessent de leur faire auditionner que par leurs décisions ils déclarent la guerre au royaume démoniaque ou invisible. Par conséquent, ils doivent renoncer à eux-mêmes entièrement et rester en prière et défendre la foi chrétienne.
Mais n’est-ce pas un peu injuste de leur part? Des croyants, après des années de conversion ne savent même pas comment prier. Comment peuvent-ils résister s’ils ne sont pas édifiés ? Comment peuvent-ils s’engager dans la course vers la maturité chrétienne si les responsables ne la leur inculquent pas et si ces mêmes responsables ne sont pas présents dans leur vie? A force que les néophytes spirituels ne grandissent pas dans la parole de Dieu, ne risquent-ils pas de devenir des rachitiques et des cloches spirituelles ?
D’après Weldon E. Viertel, les enfants ne parviendraient jamais à la maturité d’adulte sans être entrainés. Waylon B. Moore, cité par Weldon, compare la responsabilité des parents envers leurs enfants à l’attention qu’on doit donner aux chrétiens. Les parents ont la responsabilité d’aimer, de nourrir, de protéger et d’éduquer leurs enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent leur pleine maturité.[27]
Beaucoup de néophytes spirituels n’ont même pas l’assurance du salut et n’ont pas la certitude qu’ils ont reçu le Saint-Esprit au moment où ils avaient cru. Les convictions chrétiennes, éléments essentiels à la croissance, un construit d’ailleurs, ne sont pas construites. Face à ce manque de convictions, les gens ne peuvent pas parer les coups de l’ennemi. «Un homme sans conviction, nous dit Rick Warren, est à la merci des circonstances. »[28] Les bases d’une vie chrétienne abondante, enrichissante et productrice ne sont pas toujours jetées, comprises et vécues par d’innombrables néophytes spirituels.[29]
Cependant, il y a une autre considération importante qu’il faut faire en posant le problème de maturité spirituelle des croyants par rapport aux enseignements du Christ. Tous ceux qui reçoivent un enseignement solide, avec une équipe d’encadreurs de néophytes spirituels efficaces et la mise en œuvre d’une philosophie du ministère équilibrée, seront-ils inéluctablement matures? De bons enseignements ne peuvent-ils pas tomber parfois dans des oreilles de sourds, dans de mauvaises terres? N’y aura-t-il pas toujours de l’ivraie parmi les blés et des gens qui ne désirent pas apprendre et grandir? Le Diable n’est-il pas à l’œuvre, cherchant à dérouter les croyants? Que dire du naufrage spirituel de Judas ? Il avait reçu les instructions du plus grand des pédagogues, Jésus. Il était à sa barbe dans ses différents parcours. Pourtant il a été succombé à la tentation au point de trahir le Maître. Est-ce tout simplement l’accomplissement d’une prophétie?
A qui vraiment la faute quand un croyant ne grandit pas dans la foi ou quand il fait abandon de la foi? Et qu’est-ce qui, fondamentalement, explique l’immaturité spirituelle d’un croyant indépendamment du nombre d’années de sa conversion? L’immaturité spirituelle des croyants a un certain rapport avec l’absence d’une pédagogie chrétienne adaptée aux néophytes spirituels.
[1] Francis Schaeffer. Démission de la raison, Maison de la Bible, 5ème édition, Suisse, 1993, p. 93
[2] Jacques Cuerrier. L’être humain : quelques grandes conceptions modernes et contemporaines, chenelière Education, Canada, 2005, p.262
[3] Genèse 1. 26
[4] Jérémie 17.9
[5] Jacques Cuerrier, p 1
[6] 2 Pierre 1.4
[7] Raymond Girard. Education à la foi chrétienne et développement humain, Presses de l’université du Québec, 1992, p. 20
[8] Rapporté par Girard dans la préface de son livre précité.
[9] Alister McGrath. Jeter des ponts : L’art de défendre la foi chrétienne, collections sentier, Ed. La Clairière, 1999, p.5
[10] La théorie psychosociale d’Erik Erikson est centrée sur les besoins socioaffectifs et sur les effets de ces besoins dans l’évolution personnelle des enfants. A partir de cette théorie, je veux comprendre et expliquer la grande importance des liens que le néophyte spirituel noue, étant à l’église, avec les autres croyants et le rôle de ceux-ci dans son processus de croissance spirituelle.
[11] Isiro Aguilla et Hermine Galbes: Guide de la vie familiale, vol 3, Editorial safelix, 2010, p.60, 61
La psychologie prénatale comme branche de la science psychologique est en cours de construction. Elle prétend, selon ces auteurs, contribuer à ce que les enfants reçoivent des influences positives même avant de naître.
[12] Selon Helen, le champ phénoménologique c’est un ensemble d’expériences {pensées, perception, sensation} qui peuvent occuper la conscience (p.42). Du point de vue philosophique, la phénoménologie est l’étude de la manière dont chaque personne fait l’expérience de la réalité.
[13] James F. Engel. Communiquer l’Evangile efficacement, Abidjan, CEP, 1995, p. 17
[14] Rick Warren. Une Eglise motivée par l’essentiel, Motivé par l’essentiel, Europe, 2010, p. 330
[15] Ephésiens 2.10
[16] Jacques Cuerrier, p. 263
[17]James F. Engel, p. 88
[18] Selon Mark Dever, une compréhension biblique de la conversion est un indicateur d’une Eglise saine et qu’une véritable conversion peut être accompagnée ou non d’émotions fortes. Cependant, elle doit être manifeste par ses fruits (L’Eglise : un bilan de santé, Édition SEMBEQ, Canada, 2008, p.83, 84).
[19] Les travaux cliniques qu’a réalisés Freud sont très critiqués aujourd’hui par des philosophes comme Michel Onfray. En fait, l’anthropologie philosophique de Freud, selon Jacques, ne peut revendiquer un caractère d’OBJECTIF IRREFUTABLE […] Cependant il continue pour dire que, désormais, grâce à Freud, nous savons que le milieu culturel et social dans lequel nous grandissons conditionne et modèle notre affectivité, voire notre personne tout entière (p. 156)
[20] James Kennedy, Evangélisation explosive, 3ème édition, USA, 1983, p. 139
[21] Engel, p. 17.
[22] Voir la figure de la section 1.1.2 du premier chapitre pour une meilleure appréciation de l’échelle.
[23] Je ne partage pas nécessairement tout l’avis de Maslow comme humaniste séculier par rapport à certaines valeurs prônées. Mais ce qu’il dit ici a un sens. Voir David A. Noebel dans Discerner les temps : les conceptions religieuses du monde actuel et la recherche de la vérité, Ed. Jean Frédéric Oberlin, France, 2003, p.178
[24] En annexe à son ouvrage Découvrez vos dons, Ed. Empreinte temps présent, 1998.
Christian opte pour une approche biotique. Il souligne que les principes biotiques tentent de libérer les automatismes de croissance que Dieu utilise pour construire son Eglise. (La dynamique de l’Eglise, p. 118).
[25] Actes 2. 42-47 est souvent appelé le schéma du ministère, car cette péricope présente les objectifs de l’Église à partir du mode de vie et d’organisation des croyants du Nouveau Testament.
[26] Weldon E. Viertel. L’engagement personnel dans l’évangélisation, ICI University, USA, 1984, p. 120.
[27] Weldon, pp. 120,121
[28] Rick Warren. L’Eglise, une passion, une vision, Ed. Ministère Multilingue International, Canada, 1999, p.313
[29] Gary W. Kuhne dans The dynamique of personal follow-up développe les éléments indispensables que l’Eglise devrait adopter pour aider le nouveau croyant.
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