LA MISSION PEDAGIQUE DE L’EGLISE LOCALE

La pédagogie chrétienne joue un rôle indispensable dans le processus de maturation du disciple de Jésus-Christ au sein de l’église locale. La mission de celle-ci est fondamentalement pédagogique. Faute d’une prise en compte sérieuse de cette mission, non seulement la maturité est compromise, mais la reproduction est de mauvaise qualité. Or, ils sont nombreux ceux-là qui s’en fichent pas mal au profit d’une dynamique de production d’écervelés et de rachitiques spirituels fragiles et dangereux. 

Considérations définitoires

   Etymologiquement, selon Le Petit Larousse 2010, pédagogie vient du grec παιδαγωγία (paidagõgia), signifiant théorie, science de l’éducation des enfants. Elle désigne l’art d’éduquer.

   Dans un sens technique, selon le sociologue et l’historien de l’éducation Emile Durkheim, l’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale […]. Tandis que la pédagogie est une réflexion appliquée aussi méthodiquement que possible aux choses de l’éducation[1].

   En gros, la pédagogie est une philosophie, une science, des méthodes liées à l’éducation. Certaines méthodes étudient les caractéristiques individuelles et leurs réponses spécifiques (pédagogie différentielle), d’autres la mesure de l’intelligence (pédagogie métrique) et la pédagogie éducative, étant évolutive et adaptée aux caractéristiques de l’individu.

Le rôle du pédagogue

   Le pédagogue (paidagogos) en grec, paedagogus en latin, depuis l’antiquité grecque et romaine, avait pour fonction de mener (agein) l’enfant ou l’adolescent de son domicile à l’école et de le ramener. Il était chargé de guider ses pas, de veiller sur sa tenue, de le garder des mauvaises rencontres, de partager ses jeux et sa conversation, de le protéger de la maison des dangers de la rue, de lui faire répéter sa leçon sur le trajet de l’école et de s’occuper aussi de son éducation morale. S’il n’était officiellement ni professeur ni éducateur, son rôle éducatif était indéniable.

La nature de la pédagogie chrétienne et le rôle du pédagogue chrétien

   En se référant à l’Ancien Testament, on se rend compte que Dieu reste et demeure le pédagogue par excellence. Il a bien compris l’importance d’enseigner le plus tôt possible l’enfant. Déjà, dans le « Shema d’Israël », qui signifie « écoute Israël », nous voyons que Dieu a mis en exergue l’importance pour les pères et mères d’enseigner aux enfants, d’après l’historien Juif Josèphe Flavius, probablement juste après le sevrage.

   Des textes de l’Ancien Testament comme Proverbes 4.13 ; Exode 20, notamment proverbes 22.6 stipulant : Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre, et quand il sera vieux il ne s’en détournera pas, montrent clairement que Dieu a anticipé toutes les théories actuelles relatives à la pédagogie ou à l’éducation de la petite enfance.

   Par conséquent, la pédagogie chrétienne, dans un sens large, est une philosophie biblico-chrétienne adéquate appliquée au ministère d’enseignement de l’église. Comme philosophie, elle exige la prise en compte d’une épistémologie, d’une métaphysique, d’une ontologie et d’une axiologie reflétant la pensée biblique. A ce niveau, le rôle du pédagogue chrétien devient indispensable et sérieux.

   Comme le pédagogue de l’antiquité, dans sa mission pédagogique, l’église locale a l’ultime et périlleuse responsabilité de conduire les pas des enfants de Dieu dans la bonne direction et de les protéger contre les dangers de toutes sortes, notamment des philosophies, idéologies et théories sans fondement solide, allant à l’encontre de la pensée biblique et du plan de Dieu pour chaque disciple de Jésus-Christ.

   Dans ce processus de renouvellement de l’intelligence du disciple de Jésus-Christ pour pouvoir discerner ce qui est moralement bon, spirituellement agréable et parfait (Romains 12.2), le pédagogue chrétien doit être en mesure d’assurer un travail de première main. Par conséquent, il doit être lui-même imprégné d’une vision biblique du monde solidement construite pour pouvoir encourager la pensée critique et de travailler à amener les enfants de Dieu à penser bibliquement sur tous les sujets de la vie. Voilà pourquoi, une néonatologie spirituelle/chrétienne est prépondérante.

But de la pédagogie chrétienne

  La maturité spirituelle des croyants, leur pleine croissance, c’est ce à quoi la pédagogie chrétienne répond. Et tous les efforts d’une église, tout ce qui se fait doit répondre à cet impératif. Selon la pensée de Paul, Dieu a pourvu aux besoins de son Eglise par la distribution équitable des dons spirituels à chaque croyant. L’exercice de ces dons vise le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ. Arrivé à cet état d’homme fait en Christ, le disciple de Jésus-Christ n’est plus flottant[2].

   C’est exactement ce travail que le Saint-Esprit vient faire dans le disciple comme pédagogue par excellence : le transformer à l’image de Jésus, l’aider à être enraciné dans la foi, à grandir harmonieusement dans sa vie, à faire de lui un membre engagé dans le service de Dieu et l’amener à développer une autonomie spirituelle par rapport aux autres disciples sans orgueil spirituel. De ce fait, comme but ultime, la pédagogie chrétienne cherche à accompagner les disciples en vue de les emmener à la ressemblance à Christ. C’est là qu’un programme pédagogique devient nécessaire.

La nécessité d’un programme pédagogique dans l’église locale

   La pédagogie chrétienne comme philosophie exige une attention minutieuse dans l’élaboration intelligente d’un programme ou curriculum.

   Un programme pédagogique est un projet élaboré à partir d’une philosophie de l’éducation dans lequel le processus d’enseignement/apprentissage est assuré de façon systématique et concertée. A cet effet, Kuert Bill présente les caractéristiques suivantes d’un programme efficace[3] :

1. Le programme est fondé sur la Parole vivante révélée dans la Parole écrite.

2. Le programme implique les enseignants et les élèves, avec leurs expériences, interactions et activités.

3. Le programme est planifié par le pasteur et les responsables pédagogiques de l’église locale.

4. Le programme implique un processus.

5. Le programme nécessite du matériel et des méthodes sélectionnés pour aider à atteindre les objectifs fixés.

6. Le programme implique un projet.

7. Le programme est dynamisé par le Saint-Esprit.

   Ces caractéristiques nous montrent que chacun peut avoir sa vision du ministère d’enseignement de l’église. Mais celle-ci ne doit pas passer à côté de l’essentiel. Pour commencer à construire un tel programme de croissance spirituelle, s’avère-t-il nécessaire d’avoir une bonne connaissance de ce que les gens ont déjà acquis comme connaissance, c’est-à-dire les situer théologiquement, spirituellement et chercher à comprendre leurs principaux besoins. Contrairement à la pensée behavioriste, les apprenants (chrétiens) ne sont pas des feuilles blanches à remplir.

La structure administrative de l’église dans la réussite de la mission pédagogique

   Administration, c’est l’action d’administrer. D’après le petit dictionnaire Larousse, administrer vient du latin administrare: servir et signifie gouverner, diriger. L’administration est la structure dans laquelle des individus partagent une même vision et conjuguent leurs  efforts pour arriver à des résultats souhaités dans un temps préalablement fixé.

   Pour citer Kuert Bill, la structure administrative globale de l’église locale influence profondément les résultats de l’enseignement dans l’église[4]. L’église locale est un organisme et comme tel, elle a besoin d’une organisation, d’une structure efficace visant la réalisation de sa mission d’enseignement et le développement des disciples dans leurs d’expériences avec le Christ.

  Une administration englobe quatre(4) éléments essentiels : planification, organisation, direction et évaluation. Dieu appelle les hommes à diriger son peuple.

  Premièrement les pédagogues chrétiens sont appelés à rendre fonctionnel le processus de développement des disciples en fonction d’un cycle de planification visant leur pleine croissance. J.W. Alexander, cité par Alfred Kuen, pense que le planning consiste à décider à l’avance ce qui doit être fait, pourquoi le faire, où et quand cela doit être fait, qui le fera et comment[5]. C’est déplorable de constater que beaucoup de responsables minimisent l’importance fondamentale de la planification de l’enseignement au sein des églises. Automatiquement c’est la spontanéité qui fait rage. Un jour, nous en rendrons compte bien sûr. Tout doit être planifié. N’est-ce pas ?

   Deuxièmement, les leaders sont aussi responsables d’organiser la nourriture spirituelle/ chrétienne des disciples. En contemplant l’univers et l’histoire de la création racontée dans Genèse 1 et 2, nous pouvons conclure sans ambages que Dieu est le génie organisateur par excellence. L’idée d’organisation vient de Lui. Alors pourquoi ne suivons-nous pas Son exemple ?

Organiser la mission pédagogique de l’église, c’est se fixer des objectifs pédagogiques clairs et mesurables et mobiliser les moyens disponibles nécessaires de les atteindre. Cela requiert de la planification des différentes étapes de la conception et la mise en exécution d’un curriculum comme évoqué plus haut.

   Dans une bonne structure organisationnelle, l’important c’est que les responsables pédagogiques travaillent au renforcement efficace et à l’encadrement du sacerdoce universel afin que chacun participe à l’accomplissement de la mission de l’église. Mais faut-il que la question : qui est responsable de quoi et pour qui ?soit bien comprise. Il faut que les fonctions soient décrites et les besoins réels pris en compte.

   Troisièmement, le programme pédagogique de l’église doit être bien dirigé. Les pédagogues doivent être bien imbus de leur tâche. La réussite ou le succès de la mission d’une église est due au leadership, à une ligne directrice bien tracée et suivie. C’est la direction.

   Quatrièmement, c’est aux responsables pédagogiques d’évaluer de temps en temps leur mission pédagogique mise en branle à l’église en fonction des objectifs visés. Ces évaluations, devant être faites à toutes les sphères d’actions de l’église, notamment la nourriture spirituelle des chrétiens, permettront de procéder à des ajustements et réajustements du programme pédagogique

   Quand il n’y a aucun plan, aucun programme, on ne peut pas parler d’évaluation. Or les enseignements de l’église devraient être évalués de temps en temps, sinon il est quasiment impossible d’évaluer la croissance des disciples. C’est sur l’application des valeurs et principes bibliques essentiels qu’il faut se baser pour évaluer l’enseignement transmis à l’église, mais jamais en fonction de la manifestation des dons spirituels. C’est-à-dire la ressemblance à Jésus à partir de la manifestation du fruit de l’Esprit.

   Par conséquent, les leaders doivent avoir des critères d’évaluation assez clairs, fondés sur des valeurs clairement définies et transmises.

   En somme, la foi ou la spiritualité est un domaine trop sensible pour le laisser sans programme pédagogique et entre les mains de charlatans et de négligeant. Beaucoup de dérives qui rongent nos églises aujourd’hui sont dues à un défaut pédagogique et une absence de philosophie de l’éduction chrétienne.

   La mission pédagogique de l’église locale reste une nécessité dans ses efforts de forger les caractères chrétiens des disciples de Jésus-Christ. Elle devrait être articulée autour des enseignements de Jésus résumés dans le principe de l’amour. Nous sommes appelés à faire preuve de responsabilité, de bon sens et d’esprit créatif dans l’enseignement de la Bible.

SOURCE

Bible segond 21

KUEN Alfred. L’organisation de l’église, Ed. Emmaüs, Saint-Legier, Suisse, 1997

KUERT Bill. La mission pédagogique de l’Eglise, ICI University Press, Texas, USA, 1992

L’évolution pédagogique en France, Paris, PUF, 1938: http://alain.kerlan.pagesperso orange.fr/DURKHEIM.htm.htm


[1] L’évolution pédagogique en France, Paris, PUF, 1938, p. 10, rapporté: http://alain.kerlan.pagesperso orange.fr/DURKHEIM.htm.htm

[2] Lc. 4.52; Col. 1.28; Eph. 4.11- 16; Col. 2.6, 7; Eph. 4.1; 3 Jn 2.

[3] Kuert Bill. La mission pédagogique de l’Eglise, ICI University Press, Texas, USA, 1992, pp.67, 68

[4] Ibid, p.7

[5] Alfred Kuen. L’organisation de l’église, Ed. Emmaüs, Saint-Legier, Suisse, 1997, p.20

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