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Une brève histoire du Christianisme en Afrique

Cet article sur l’histoire du Christianisme en Afrique est inspiré de Douglas Jacobsen à partir de son livre, Global Gospel : An Introduction to Christianity on Five Continents. Les deux cartes statistiques utilisées à titre illustratif sont aussi de lui.

Certaines personnes pensent, à tort, que le Christianisme est une religion importée d’Europe (l’Occident) et imposée aux Africains pendant la période coloniale. Les tenants de cette opinion pensent qu’un Africain n’a aucune raison d’être chrétien. En revanche, l’histoire du Christianisme en Afrique nous montre exactement le contraire.

berlin cathedral, sculpture, jesus christ-3408348.jpgSi un Africain peut s’identifier fièrement à l’Islam, par exemple, en tant que religion traditionnelle, il peut tout aussi l’être du Christianisme pour s’être déployé sur le continent africain en même temps qu’en Europe. En d’autres termes, le Christianisme en tant que mouvement était présent en Afrique au tout début de son histoire. Par exemple, la prédication de l’apôtre Pierre le jour de la Pentecôte à Jérusalem a ouvert la voie à la propagation du christianisme grâce à ceux qui y ont assisté depuis la Libye et l’Égypte. De retour dans leur pays natal, ils ont pu diffuser le message. À la fin du deuxième siècle, les chrétiens étaient déjà dispersés dans toute l’Afrique du Nord. À partir du quatrième siècle, le Christianisme est présent dans l’empire d’Aksum.

Faut-il rappeler que l’empire romain n’a pas été le premier Etat à avoir embrassé le christianisme comme religion d’Etat ou officielle. Trop souvent oublié, le royaume d’Aksoum ou l’empire axoumite, contient des épisodes importants de notre héritage chrétien, surtout pour l’histoire de l’Eglise africaine.

Aksoum était un empire commercial centré sur l’Érythrée et le nord de l’Éthiopie.  A son apogée, il s’est étendu jusque sur la majeure partie de l’Érythrée actuelle, l’Éthiopie, la Somalie, le Djibouti, le Soudan, l’Égypte, le Yémen et l’Arabie saoudite.

A l’époque du roi Ezana qui abandonna ses croyances polythéistes pour devenir chrétien, le christianisme était alors devenu la religion des Aksoumites entre 330 et 360. Le royaume d’Aksoum était devenu ainsi le deuxième Etat chrétien de l’histoire, après l’Arménie qui le devint entre 301 et 314 après Jésus-Christ. Le royaume d’Aksoum est considéré comme le premier Etat à avoir utilisé l’image de la croix sur ses monnaies.[1]

Cité par le Dr Lesly Jules dans Objections rejetées, Thomas Oden stipule : Si nous éliminons l’Afrique des mémoires chrétiennes, nous nous privons de nombreux épisodes essentiels de l’histoire du salut, à savoir les enfants d’Abraham en Afrique, Joseph en Afrique, Moïse en Afrique, Marie, Joseph et Jésus en Afrique.[2]

Cependant, selon Douglas Jacobsen, « la version africaine du christianisme, plus récemment formulée, a été plantée à la fin des années 1400, mais n’a pas pleinement fleuri avant le vingtième siècle. »[3] Mais que s’est-il passé dans le cas de l’Afrique du nord avec le Christianisme ? Thomas Kurian, cité par Lesly Jules, soutient:

L’arabisation des peuples au Moyen-Orient et en Afrique du Nord était si complète que même jusqu’à aujourd’hui, les Berbères, les Egyptiens, les Libyens et les Phéniciens se considéraient comme des Arabes sémites. [4]

alexander, nevsky, cathedral-1026302.jpgL’histoire du Christianisme trouve également un écho très important dans la période patristique où les pères de l’église africains ont joué un rôle extrêmement important dans la formulation et la compréhension d’un ensemble de doctrines essentielles du christianisme. Parmi ces grandes figures, nous citons d’abord Origène (185-254), originaire d’Alexandrie, en Égypte, une ville très importante dans l’histoire de l’Église chrétienne, comme Cartage. Il est connu comme le premier théologien chrétien à avoir fourni une théologie systématique. Deuxièmement, nous ne pouvons ignorer Athanase (296-373), qui vivait également en Égypte, pour sa contribution essentielle à la formulation et à la compréhension de la nature divine de Jésus consacrée par le concile de Nicée. Troisièmement, nous pouvons également mentionner Augustin (354-430), qui venait d’Algérie, en Afrique du Nord. Il est considéré comme l’un des théologiens chrétiens les plus talentueux de l’histoire du christianisme de tous les temps. Quatrièmement, on ne peut ignorer Tertullien qui a formulé la doctrine de la Trinité.

Par conséquent, ignorer ces éléments historiques revient nécessairement à jeter le bébé avec l’eau du bain. Le Christianisme a une profonde racine africaine.

Cependant, malgré cet élan prometteur, l’expansion du Christianisme va subir un ralentissement drastique avec l’arrivée de l’Islam au milieu de l’année 600. En l’an 700, de nombreuses régions occupées par le christianisme passeront sous le contrôle de l’Islam, notamment en Afrique du Nord où l’arabisation est très forte. Selon Jacobsen,

La population chrétienne a diminué de manière significative et, en l’an 1000, le christianisme avait été éliminé de la majeure partie de l’Afrique du Nord. Deux exceptions à ce schéma général étaient l’église copte en Égypte et l’église éthiopienne plus au sud qui sont toutes deux restées fortes.[5]

Progressivement, le continent va connaître une division religieuse avec l’Islam comme religion dominante au Nord et les religions traditionnelles africaines au Sud. Pendant ce temps, l’Église catholique européenne occupe la scène par ses expéditions missionnaires et est rejointe par les protestants au 19e siècle. L’Église africaine était traitée de manière paternaliste, ce qui allait commencer à être remis en question par des indigènes comme Henry Venn, qui préconisait une plus grande responsabilité des Africains dans les postes de direction au sein des églises, afin qu’elles soient autonomes.

Cependant, l’entreprise coloniale n’était pas sans conséquences sur la vie de l’Église. Les Européens, aux intérêts économiques impitoyables, ont détruit les Africains de leurs racines culturelles et ancestrales en leur imposant leur mode de vie. Le cas de l’Afrique du Sud avec la ségrégation raciale connue sous le nom d’apartheid l’illustre très bien. Mais il y avait encore des résistances, notamment Ntsikana, un membre de la tribu Xhosa qui prônait une forme d’appropriation du christianisme par les Africains sans imiter servilement les missionnaires européens.

Malheureusement, l’entreprise coloniale infernale sous les auspices de l’Allemagne, de la Belgique, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, du Portugal et de l’Espagne était soutenue par l’Église de l’époque qui prétendait apporter sa modernité à l’Afrique. Selon Jacobsen, les protestants européens considéraient que l’alphabétisation, le travail, la conscience du temps, la démocratie et l’autodiscipline, toutes les caractéristiques de la culture occidentale moderne, étaient des éléments nécessaires à la vie chrétienne.[6]  Ce point de vue n’était pas sans rappeler celui de l’Église catholique. L’éducation était monopolisée par l’Église pour perpétuer l’aliénation mentale, culturelle et religieuse. Cependant, il faut admettre que tous les missionnaires ne s’inscrivaient pas dans cette démarche. C’est pourquoi ceux qui ne servaient pas les intérêts des colons étaient négligés et même combattus.

Sous l’effet du zèle fondamentaliste des missionnaires américains présents sur le continent, vers la fin du XIXe siècle, des Africains se sont engagés dans le mouvement évangéliste en tant que prophètes, enseignants, prédicateurs, etc. C’est le cas de William Wade Harris, qui est né et a grandi au Liberia et s’est converti au Christianisme alors qu’il était un jeune adulte. Sous son ministère d’évangéliste, cent mille Africains ont été convertis au Christianisme.

Cet élan évangéliste a donné naissance à un mouvement d’implantation d’églises indépendantes qui, selon Jacobsen, dans les années 1960, plus de six mille AIC[7] avaient été créées à travers le continent. Selon lui, au début de l’ère coloniale, environ 5 % de la population africaine était chrétienne. À la fin du colonialisme, près d’un tiers de la population africaine était chrétienne, dont 45 millions de catholiques, 35 millions de protestants, 20 millions de membres des nouvelles Églises indépendantes africaines et 20 millions de membres des anciennes Églises orthodoxes d’Égypte et d’Éthiopie.[8]

Après la période coloniale, le pentecôtisme a été un mouvement très fort sur le continent africain. Prenant différentes formes à différentes époques, jusqu’à aujourd’hui, ce mouvement gagne du terrain en mettant l’accent sur l’évangile de la prospérité. Le 20e siècle a été un siècle de formidable expansion du christianisme en Afrique. Jacobsen soutient:

Au début du XXe siècle, environ 10 % de la population africaine était chrétienne, 30 % était musulmane et 60 % suivait encore la religion africaine traditionnelle. Aujourd’hui, 50 % de la population africaine est chrétienne, 42 % est musulmane et seulement 8 % s’identifierait comme adepte de la religion traditionnelle africaine.[9] 

Cependant, les ancêtres continuent de jouer un rôle très important dans la spiritualité africaine, y compris la spiritualité chrétienne africaine d’un point de vue théologique.

En résumé, malgré la croissance spectaculaire du Christianisme sur le continent africain, son histoire est pleine d’épisodes tristes, comme la participation des chrétiens hutus au génocide au Rwanda entre le 7 avril et le 4 juillet 1994 et l’instabilité chronique en République démocratique du Congo malgré le pourcentage très élevé de chrétiens dans ce territoire. Tout en étant fière de ses profondes racines chrétiennes, telles que promues par Desmond Tutu, l’Église africaine est appelée à vivre véritablement sa théologie basée sur l’Ubuntu en défendant la justice, la dignité humaine intrinsèque, l’égalité, le développement et l’interconnexion des êtres humains pour une humanité qui reflète la gloire de Dieu.

[1] Windel Benjamin Etienne : Le mandat ignoré : Réflexions sur le mandat du chrétien dans le monde et l’existence humaine, Editions Je crois, donc je parle, Burkina Faso, 2022, p.77

[2] Lesly Jules : Objections rejetées : L’approche apologétique classique, Imprimerie Brutus, Haïti, 2021, p. 170

[3] Douglas Jacobsen, Global Gospel: An Introduction to Christianity on Five Continents (Grand Rapids, Michigan: Baker Academic, 2015), Scribd, p. 84/427

https://fr.scribd.com/read/287112681/Global-Gospel-An-Introduction-to-Christianity-on-Five-Continents

[4] Lesly Jules, p.176

[5] Jacobsen, p.86

[6] Jacobsen, p.96

[7] African Independent Church

[8] Jacobsen, p.98

[9] Jacobsen, p.100

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